«Cette vision, nous l'avons dans notre tête chaque jour», explique Janice Snyder, dont la fille Christine se trouvait à bord du vol 93 de la United Airlines qui s'est écrasé en Pennsylvanie le 11 septembre 2001. «Le moment est venu. Le public a besoin de savoir, ils ont besoin de se souvenir et de comprendre ce que les familles ont enduré».
Pourtant, certains ne supportent pas de voir des rappels du 11 septembre sur grand écran. Quelques cinémas new-yorkais ont préféré retirer la bande-annonce de «United 93» à la suite de plaintes de spectateurs.
Le réalisateur Paul Greengrass et les organisateurs de Tribeca admettent que le film suscite des émotions très fortes. Mais ils jugent que le festival new-yorkais était le lieu approprié pour l'avant-première. Installée dans le quartier de Tribeca, cette manifestation cofondée par l'acteur Robert De Niro a été créée pour accompagner la reprise économique de Manhattan après les attentats.
«C'est douloureux de se souvenir, c'est difficile, mais cela peut être une source d'inspiration et de sagesse», a lancé le réalisateur avant la projection. «C'est une histoire qui rend hommage au courage», estime pour sa part Robert De Niro.
La projection, ponctuée des cris étouffés ou des larmes des spectateurs, n'en a pas moins été éprouvante pour beaucoup. Certains se contorsionnaient dans leurs fauteuils, se retournant parfois vers le balcon où avaient pris place les familles des victimes.
«On a vu le cinéma et la vraie vie se rejoindre, expliquait Jeffrey Sachs, un consultant de Manhattan qui assistait à la projection. Ça comble le mystère de ce qui s'est passé».
Le film de Paul Greengrass, réalisateur de «Bloody Sunday» et de «La mort dans la peau», se déroule en temps réel sur 90 minutes. Il juxtapose l'histoire des passagers du vol 93 et celle des contrôleurs aériens qui assistent sans pouvoir y croire au détournement de quatre appareils par 19 pirates de l'air.
Le vol 11 d'American Airlines percutera d'abord la tour nord du World Trade Center, à New York, le vol 175 de la United Airlines la tour sud, puis le vol 77 d'United tombera sur le Pentagone, à Washington. Le vol 93, quatrième appareil détourné le matin du 11 septembre, avait décollé de Newark dans le New Jersey. Il s'écrasera près de Shansville, en Pennsylvanie, quelques minutes après l'effondrement de la première des tours jumelles, après la révolte des passagers qui ont tenté de reprendre le contrôle de l'appareil aux terroristes.
D'après les autorités, l'avion, qui transportait quarante passagers et membres d'équipage et quatre pirates de l'air, devait atteindre la Maison Blanche ou le Capitole, à Washington. Le film insiste sur le courage des passagers qui a peut-être permis de sauver des vies.
Des proches des passagers du vol 93 ont collaboré avec Paul Greengrass, scénariste et réalisateur, pour apporter une touche d'authenticité aux personnages. Il a gardé ensuite une certaine liberté pour imaginer comment chacun avait pu réagir et quel rôle il avait pu jouer dans le soulèvement.
«Seules quarante personnes savent vraiment ce qui s'est passé ce jour-là, et je crois qu'il s'est donné beaucoup de mal pour montrer que chacune d'entre elles a apporté sa contribution», explique Ken Nacke, dont le frère Louis était à bord. Il s'est surpris pendant le film à espérer pour eux «une fin différente». / SKU-ap