Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Spirou plus jeune que jamais

Spirou n'a jamais été aussi jeune - excepté dans les histoires puériles du «petit Spirou» - que dans «Le Journal d'un ingénu» d'Emile Bravo. Jamais il n'a été aussi adulte. Une couverture d'une sobriété étonnante: le fameux petit groom est dessiné, un peu perdu, avec son écureuil Spip, au milieu d'une vaste surface beige - vierge.

09 mai 2008, 12:00

Sur le côté gauche (!), de minuscules gribouillis où l'on finit par reconnaître des croix gammées noires, sur le côté droit de non moins minuscules faucilles-et-marteaux rouges semblent prêtes à envahir l'espace central. On l'aura compris: ce quatrième volume de la série «Une aventure de Spirou par...» tranche avec la loufoquerie habituelle des aventures de Spirou et Fantasio. Certes, il s'agissait de marquer dignement les septante ans du personnage, créé par Rob-Vel en 1938. L'anniversaire s'est d'ailleurs marqué par un très joli petit album où septante dessinateurs ont tous croqué à leur manière le personnage de Spirou, preuve de l'extraordinaire plasticité du personnage. Mais «Le Journal d'un ingénu» va infiniment au-delà de ces sympathiques amusements. Prenant au sérieux la date de naissance du personnage, Emile Bravo situe son récit dans les derniers jours d'août 1939: Spirou, orphelin pauvre et timide, travaille dans un grand hôtel de Bruxelles fréquenté par des stars (traquées par un journaliste crétin et superficiel. Un certain? Fantasio, toujours en quête de scoops graveleux), mais aussi par des plénipotentiaires allemands et polonais venus discuter en secret des exigences nazies sur Dantzig. A l'hôtel travaille également une mystérieuse jeune fille aux sympathies visiblement communistes, mais l'idylle naissante entre Spirou et elle sera interrompue par la déclaration de guerre. Déclaration à laquelle la muflerie de Fantasio (seul trait d'humour - bien noir! - de l'album) ne sera pas étrangère?

L'histoire se termine, alors que l'on croit encore que l'orage épargnera la Belgique, par l'acquiescement fataliste de Spirou aux valeurs de fantaisie défendues par le bien nommé Fantasio, et ce au détriment des enjeux politiques, éthiques et humains que le scénario, subtil et touchant, ne cesse de mettre en avant. C'est peu dire que ce récit magistral, dessiné avec intelligence et pudeur, et au-dessus duquel plane l'ombre du regretté et génial Yves Chaland, remet en question tout ce qui a été publié jusqu'à aujourd'hui sous le nom de Spirou. Un album indispensable qui ne laisse pas indemne et renouvelle de fond en comble notre regard sur la BD belge et son histoire. / ACO

«Spirou. Le Journal d?un ingénu», Emile Bravo (scénario et dessin), Dupuis, 2008
Votre publicité ici avec IMPACT_medias