Seule au monde

Décriée, parfois avec excès, pour la piètre qualité de son jeu, l?équipe d?Italie se sent mal-aimée. L?entraîneur Marcello Lippi s?en défend et le défenseur de l?AC Milan Alessandro Nesta contre-attaque Début de soirée. Quelque part sur la Bergerstrasse, rue à la fois alternative et chic, à Francfort. Deux Allemands sont attablés à la terrasse d'un kebab. Ils discutent tranquillement. Soudain, un homme d'un certain âge, visiblement éméché et parlant anglais se joint à eux sans avoir été convié, un verre de bière à la main. Les deux Allemands l'ignorent dans un premier temps. Puis le vieil homme lâche: «Italy is shit» («L'Italie c'est de la m...»), en se référant au football. Soudain, les deux autres l'intègrent dans leur conversation et se lancent également en des commentaires peu élogieux envers le jeu des «Azzurri» durant la Coupe du monde.

30 juin 2006, 12:00

Cette scène, vécue en témoin, est assez symptomatique du peu de considération dont jouit la «Squadra» en Allemagne. Après ses débuts prometteurs face au Ghana, les prestations contre les Etats-Unis, la République tchèque et surtout l'Australie ont déchaîné les foudres de la critique.

«Nous laissons le spectacle aux autres. Le spectacle, vous le verrez dans les rues italiennes au soir du 9 juillet»

Certains médias ont même largement franchi les bornes du bon goût, comme l'hebdomadaire allemand «Der Spiegel» qui a défini les Italiens comme des «parasites gluants» sur son site internet. Avant de se rétracter et de reconnaître être allé un peu loin. La mauvaise foi de Marcello Lippi, qui avait défini comme «indiscutable» le penalty imaginaire sifflé en fin de match face aux «Socceroos», n'a en rien redoré le blason des «Azzurri», mais tout de même! Sans être aussi virulente, voire insultante, la grande majorité de la presse internationale a fustigé le jeu italien. Ce qui a poussé «La Repubblica», un des trois quotidiens transalpins les plus lus, à titrer: «Tous contre l'Italie».

Cette atmosphère de défiance se ressent lors des conférences de presse. La plus neutre des questions adressées à Lippi est: «Comment fait l'Italie pour avoir autant de chance?». Ce à quoi le sélectionneur rétorque par une pirouette verbale. «Je n'estime pas que les blessures de Nesta (réd: forfait face à l'Ukraine) et Iaquinta, ainsi que la suspension de Materazzi relèvent de la chance. Ni la double fracture subie par Totti à quatre mois de la Coupe du monde.»

Diplomate retrouvé, le coach essaie aussi de justifier le style de son équipe. «Pendant deux ans, nous avons proposé un football offensif, nous n'avons pas renié cette mentalité. Deux-trois matches moins bien joués que d'autres en raison de circonstances particulières ne peuvent pas tout remettre en question. De toute façon, affirmer que nous sommes «régressifs et démodés» me semble bien exagéré.»

Alessandro Nesta manie, lui, à la perfection l'art du contre. Une spécialité dans son pays. «C'est devenu une tradition de s'en prendre à l'Italie, mais je m'en moque» attaque le défenseur de l'AC Milan. Les références au scandale des matches truqués ne manquent pas. «La fédération ne vous a-t-elle pas demandé de redorer l'image du football italien?» Dégagement en touche. «Quand on gagne, tout le reste suit.» Action de rupture fulgurante et but. «Nous laissons le spectacle aux autres. Le spectacle, vous le verrez dans les rues italiennes au soir du 9 juillet.» Sous-entendu. «Lorsque nous serons devenus champions du monde.» Une menace? / ESA