Le Rwanda lance ce lundi cent jours de commémorations du génocide de 1994, marquant la centaine de journées qui suffirent, il y a 20 ans, pour qu'environ 800'000 personnes, essentiellement issues de la minorité tutsi, soient massacrées.
Ce 20e anniversaire du génocide est "un temps pour se souvenir des vies perdues, faire preuve de solidarité avec les survivants et nous unir afin que cela n'arrive plus jamais, au Rwanda ou ailleurs", explique le programme officiel.
Pour commencer la journée, le président rwandais Paul Kagame doit allumer au mémorial de Gisozi à Kigali, à l'aide d'une torche ayant parcouru le Rwanda depuis trois mois, une flamme du deuil qui brûlera durant ces cents jours. Une marche du souvenir et une veillée aux chandelles sont également prévues.
M. Kagame doit s'exprimer dans le plus grand stade de Kigali, en présence des représentants de nombreux pays et organisations, notamment du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. L'organisation avait été incapable en 1994 de faire cesser les massacres malgré 2500 Casques Bleus sur place.
La Suisse sera représentée par son ambassadeur à Nairobi Jacques Pitteloud, compétent pour le Rwanda, et par le chef du bureau de la coopération suisse à Kigali.
Tensions avec la France
L'ambassadeur de France au Rwanda s'est en revanche vu retirer son accréditation par les autorités de Kigali. Michel Flesch aurait dû remplacer la garde des Sceaux Christiane Taubira, dont le déplacement a été annulé après des propos du président rwandais Paul Kagame, accusant la France d'avoir joué un "rôle direct dans la préparation du génocide" et d'avoir participé "à son exécution même".
La France, alliée en 1994 du régime extrémiste hutu à l'origine du génocide et dont le rôle dans les massacres reste controversé, a décidé au dernier moment samedi d'annuler sa participation aux cérémonies.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a estimé dimanche "injustifiée" la décision française et invité la France à "regarder la vérité en face" sur son rôle dans le génocide. "Il est impossible pour nos deux pays d'avancer (...) au détriment de la vérité historique du génocide", a souligné Mme Mushikiwabo.
Crises diplomatiques
Ces nouvelles tensions avec la France et les enjeux diplomatiques plus larges de cet anniversaire pour Kigali, récemment cible de sévères et inédites critiques internationales, jusque de la part de ses plus fidèles alliés, Etats-Unis en tête, pourrait bien éclipser le souvenir des victimes.
Le Rwanda a connu également plusieurs crises diplomatiques récemment, avec son voisin tanzanien et avec l'Afrique du Sud. Le niveau des délégations sera donc scruté à la loupe. Washington a envoyé son ambassadrice à l'ONU.
Le Rwanda a longtemps bénéficié dans ses relations diplomatiques du sentiment de culpabilité de la communauté internationale, restée inerte face aux massacres. Mais il a récemment été accusé, jusque par ses plus proches alliés, de déstabiliser l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et d'être impliqué dans les meurtres ou tentatives de meurtre de dissidents rwandais réfugiés en Afrique du Sud. L'"autoritarisme" du régime commence également à être critiqué.
Le deuil officiel au Rwanda prendra fin le 4 juillet, anniversaire de la prise de Kigali par les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), commandés par Paul Kagame, qui allaient mettre fin au génocide.