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Quand l'information politique vire à la simple propagande

La psychologue zurichoise Judith Barben dénonce les techniques de manipulation de l'opinion dans un livre sur les «spin doctors» du Palais fédéral.

09 oct. 2010, 11:45

Aux Etats-Unis, des spécialistes en désinformation, surnommés «spin doctors», ont été engagés pour justifier l'intervention militaire en Irak. Qu'en est-il de la Suisse? Le gouvernement manipule-t-il l'opinion publique? Le fait est que les services d'information fédéraux se sont multipliés au cours de ces dernières années. La communication est devenue un élément essentiel de l'activité de l'Etat.

Pour la Zurichoise Judith Barben, auteur d'un ouvrage sur les «spin doctors» du Palais fédéral, cette évolution est pernicieuse, voire dangereuse. Le sous-titre de son ouvrage qui vient d'être traduit de l'allemand est explicite: «Comment la manipulation et la propagande compromettent la démocratie directe».

Judith Barben n'est ni politologue, ni journaliste, ni spécialiste en relations publiques: elle est psychologue. C'est ce qui fait l'originalité de son livre car elle s'attache moins aux mécanismes du pouvoir qu'aux techniques psychologiques de manipulation de l'opinion. Elle se réfère en particulier à la programmation neuro-linguistique (PNL), une méthode créée aux Etats-Unis qui repose notamment sur l'emploi de formules hypnotiques à forte coloration émotionnelle. Le recours systématique à des termes comme «croissance», «chance à saisir» ou encore «vision d'avenir» relève de cette méthode. «Ces formules hypnotiques ont par exemple été utilisées par Joseph Deiss lors de la campagne sur l'extension de la libre circulation des personnes», note Judith Barben.

La même méthode est utilisée pour dénigrer l'adversaire, avec des termes négatifs comme «ringard», «archaïque» ou «dépassé». La psychologue illustre le recours à cette technique par la campagne sur la révision totale de la Constitution. En 1999, peu avant la votation, Arnold Koller a fait pression sur les rédacteurs en chef des journaux suisses avec une lettre dans laquelle il dénonçait une «opposition haineuse», des «adversaires fanatiques» et le «populisme de droite».

Indépendamment des termes utilisés, cette lettre est un instrument de pression qui met en évidence le glissement de l'information à la propagande. Il en va de même des lettres de lecteurs types que l'Office fédéral des réfugiés avait rédigées à l'intention des partis lors de la votation sur l'asile de 1999. Le procédé a depuis lors été reconnu comme abusif, mais il est révélateur d'une tentation permanente. Pour Judith Barben, le Conseil fédéral et l'administration devraient respecter un devoir de neutralité. Elle rejoint en cela les partisans de l'initiative contre la propagande gouvernementale, dite «initiative muselière», qui voulaient empêcher le gouvernement de faire campagne. L'UDC était le seul parti important à soutenir ce projet qui a été repoussée par 63,8% des suffrages il y a deux ans. La majorité a estimé que les politiciens avaient le droit de faire de la politique, mais force est de reconnaître que le terme d'initiative muselière relève des techniques hypnotiques dénoncées par l'auteur.

Les limites de l'ouvrage de Judith Barben résident dans le nombre réduit de cas analysés et des a priori politiques qui lui font oublier que ce qui est considéré comme de l'information par les uns peut être perçu comme de la propagande par les autres et vice-versa.

Preuve en est le rapport Bergier sur l'attitude de la Suisse face aux réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale. L'auteur y voit un travail de manipulation car elle n'admet pas que l'Histoire soit sujette à interprétation. C'est pourtant ce qu'elle fait en donnant foi à la théorie du complot américain pour expliquer les attentats du 11 septembre 2001. Entre information, propagande et manipulation, la frontière est ténue. /CIM

Judith Barben, «Les spin doctors du Palais fédéral», éditions Xenia, 254 pages.

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