Ces trois grands dirigeants du vélo venaient de sceller un pacte pour lutter ensemble contre le dopage (intensification des contrôles inopinés) et aller au fond de l'affaire Puerto. «Nous avons des différends par ailleurs, mais là, nous allons travailler ensemble sur le dopage. Si nous partons chacun de notre côté au combat, nous perdrons. C'est une union sacrée pour rendre à notre sport sa crédibilité et sa dignité», a expliqué Christian Prudhomme, avant que les trois hommes joignent pieusement leurs mains pour immortaliser l'instant. Emouvant...
Derrière ces bonnes intentions et ces grandes phrases se cache une réalité plus prosaïque. Pour l'instant, les autorités sportives ne peuvent pas faire grand-chose pour accélérer le dénouement de l'affaire Puerto. La justice espagnole n'a toujours pas statué sur les différents appels contre le classement du dossier et ne semble pas pressée de le faire. «Tant qu'aucune décision n'est prise à ce niveau, nous ne pouvons rien faire», a répété Pat McQuaid. «Si le classement de l'affaire est confirmé, nous pourrons avoir accès au dossier judiciaire et prendre des mesures. Sinon, nous devrons encore attendre.»
Et pendant cette attente, les coureurs impliqués (une cinquantaine) dans un premier temps dans ce scandale de dopage sanguin ne devraient pas prendre le départ des épreuves ProTour. Du moins selon l'accord établi à Liège la semaine dernière. «Aucun de ces cyclistes n'a pris le départ de Liège-Bastogne-Liège», a relevé Christian Prudhomme.
Certes, mais Angel Vicioso, Ruben Plaza et Koldo Gil, qui figuraient sur la première liste Puerto, ont remporté des épreuves en Espagne. «Dans cette histoire, les équipes ont hérité de la patate chaude», a grogné Patrick Lefévère, manager de Quick-Step. «Nous avons suspendu des coureurs, sans savoir s'ils sont vraiment coupables. Cela nous pose des problèmes légaux. Des cyclistes empêchés de courir l'année passée nous ont attaqués en justice et ils vont certainement avoir gain de cause.» Le règlement UCI prévoit une trentaine de jours de course pour chaque cycliste professionnel.
Et le Belge, également accusé par un soigneur d'encourager le dopage dans les années 1990, n'a pas caché avoir de la peine à obtenir l'union au sein de l'AIGCP. «Je ne m'amuse pas toujours lors de nos réunions», a-t-il ironisé. «Tout le monde n'est pas d'accord. Chaque pays a ses lois, chacun a ses problèmes et ses intérêts. Les équipes ont, tout de même, signé une déclaration dans laquelle elles s'engagent à écarter les coureurs soupçonnés de dopage et à livrer des tests ADN en cas de besoin. Mais ce n'est pas facile de mettre tout cela en place.»
Pour ne pas faciliter la tâche, des coureurs convaincus de dopage (Hamilton, Mancebo, Sevilla, etc) participent aux grandes épreuves au sein d'équipes continentales, non soumises aux accords du ProTour. «C'est aussi aux organisateurs de prendre leurs responsabilités», a glissé Patrick Lefévère. Le directeur du Giro vient d'adresser une lettre au président de l'UCI pour éviter de laisser partir des coureurs douteux le 12 mai en Sardaigne.
Bref, la lutte continue. Elle ne se poursuivra certainement pas à Madrid, où des dirigeants prévoyaient de se rendre pour faire pression sur les autorités espagnoles. «Il faut éviter de devenir ridicule», a lâché Patrick Lefévère. Dans le cyclisme, pourtant, il n'a jamais tué...
ça se saurait... /JCE