Je séjournais récemment en Iran; dans la famille, la plupart des hommes avaient combattu contre l’Irak de 1980 à 1988, l’un d’eux souffrait encore des poumons. Il avait inhalé ces gaz que Saddam Hussein utilisait contre eux (aussi contre les Kurdes), avec alors le soutien politique des Occidentaux et l’appui financier des Saoudiens, ces mêmes puissances qui aujourd’hui punissent Assad, accusé d’avoir asphyxié des civils à Douma.
Les armes chimiques constituent une horreur, pas besoin de photos d’enfants moribonds pour s’en convaincre! Le malheur, c’est que depuis la Grande Guerre, tous les belligérants en ont usé et que malgré toutes les condamnations morales, ils continuent parfois d’y recourir.
L’impunité, voilà le cœur du problème! Toutes les nations devraient faire là leur autocritique, surtout celles qui ont longtemps produit d’importants stocks de telles armes, en l’occurrence les puissances qui se partagent le monde.
Et comment s’étonner que des dictateurs s’en servent, alors que même les démocraties l’ont fait, cela sans encourir de sanctions? En reprenant Mossoul contre Daech, la coalition irako-occidentale a usé de phosphore blanc. Une récente enquête atteste que les Allemands ont fourni à l’Irak les gaz utilisés contre les Iraniens (entre 10 000 et 15 000 morts). Sans parler de la guerre chimique à la dioxine que les Américains ont menée contre le Vietnam.
Tant que la morale internationale restera ainsi à géométrie variable, nous continuerons sans doute à assister à des attaques chimiques toujours unanimement condamnées, mais perpétrées par tous les camps (en Syrie souvent par Assad, parfois par ses ennemis). Déférer les coupables à la Cour pénale internationale? De grands pays n’en sont pas membres, à commencer par ceux qui ne cessent de s’indigner, soit pour jouer les justiciers, soit pour jurer de leur innocence. Et ils ne s’interrogent guère sur leur doctrine militaire même, qui exclut peut-être les gaz, mais pas certaines autres armes de destruction massive!