En tant qu?expert auprès de l?Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), avez-vous été surpris par ces révélations du journal «Le Monde»? Michel Audran: Non, pas du tout. Je ne connais pas de sport de haut niveau qui échappe au dopage. Donc le football, avec la multiplication des matches, ne peut échapper au phénomène. Les transfusions sanguines dans le football, on en avait déjà parlé bien avant.
«Le Monde» évoque la transposition au football d?une méthode scientifique que le Dr Fuentes appliquait dans le cyclisme... M. A.: Concernant les substances incriminées, les facteurs de croissance (l'Igf-1) et l'hormone de croissance, c'est effectivement utilisable dans tous les sports. Cela peut s'utiliser pour la compétition, pour recharger les muscles en glycogène (carburant du muscle), et juste après la compétition pour la récupération musculaire.
C?est donc une méthode de dopage efficace? M. A: Oui. D'autant plus que ces substances sont indétectables. Même avec un contrôle sanguin.
Comment expliquer qu?il n?y ait que quelques cas positifs de dopage avérés dans le football? M. A.: C'est pourtant le sport où l'on fait le plus de contrôle antidopage quand on regarde les statistiques de l'Agence mondiale antidopage (AMA), devant le cyclisme. Mais ce ne sont que des contrôles urinaires et il serait bon qu'il y ait des contrôles sanguins. Joseph Blatter (réd.: président de la Fifa) part du principe que, dans les sports d'équipe, il n'y a pas de recours au dopage. Donc, dans l'hypothèse où on pense qu'il n'y a pas, on ne cherche pas, et donc on ne trouve pas.
Les contrôles urinaires sont donc inefficaces... M. A.: Il n'y a aucun suivi hématologique de ces sportifs, donc on ne peut pas savoir. Ce n'est pas parce qu'on ne trouve rien au niveau urinaire, qu'il n'y a pas de dopage.
Selon vous, la Fifa ne joue donc pas le jeu? M. A.: Quand on fait des contrôles dans des compétitions, on prend des gens tirés au sort. Mais le médecin préleveur a la possibilité, s'il voit un joueur au comportement anormal, nerveux, de demander un contrôle. Si cette règle avait été appliquée, il aurait été normal que Zidane soit contrôlé, le soir de la finale du Mondial. Je n'ai jamais connu un cas où la Fifa a demandé à ce qu'un joueur avec un comportement anormal soit contrôlé.
Le dopage sanguin est-il le plus adapté pour les footballeurs? M. A.: On a vu, lors du procès, que la Juventus utilisait l'EPO (érythropoïétine) et les transfusions sanguines et cela ne s'est sans doute pas fait qu'à la Juve. Ce dopage sanguin n'a aucun intérêt pour un gardien de but, ou même pour un attaquant, il est réservé à quelques éléments de l'équipe. Avec la Juve, c'était les milieux de terrain qui avaient des profils hématologiques douteux, comme Didier Deschamps. / si