Trois activistes du climat, aussi antimilitaristes, seront entendus ce vendredi 5 mai au Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone. En décembre 2020, le Ministère public de la Confédération (MPC) avait condamné les trois jeunes hommes pour provocation et incitation à la violation des devoirs militaires.

Le procureur fédéral Marco Renna avait sanctionné les trois Vaudois, aujourd’hui âgés de 21, 23 et 32 ans, d’une peine pécuniaire avec sursis et d’une amende. Les prévenus ont fait opposition à l’ordonnance pénale.

Dans les trois actes d’accusation (de 7 et 8 pages), le MPC considère que les activistes «ont intentionnellement envoyé à plus de 200 journalistes et publié sur internet à l’attention d’un large public, dont un nombre non négligeable de personnes astreintes au service militaire, des informations précises et concrètes visant à les inciter à refuser de servir ou à ne pas payer leur taxe militaire et, par conséquent, à violer leurs obligations militaires».

«Polluante et coûteuse»

Pour mémoire, le 11 mai 2020, sur le site de l’antenne vaudoise de Grève du Climat, les trois activistes avaient appelé à faire la grève militaire.

Dans un article toujours en ligne intitulé «L’Armée, je boycotte», l’un des prévenus, qui est l’auteur présumé du texte, – la présomption d’innocence demeure jusqu’à preuve du contraire – écrivait que «par éthique, morale, responsabilité écologique et sociale, nous ne consentons pas à payer la taxe, ni à aller au service militaire».

Jugeant l’armée «polluante et coûteuse», et considérant que cet «argent serait mieux investi pour la lutte contre le changement climatique», il recommandait de ne pas payer la taxe militaire et de ne pas faire le service militaire.

La Grève du Climat s’engageait à tenter de soutenir les personnes qui recevraient des ordonnances pénales ou subiraient d’autres formes de répressions en lien avec cette action.

Ces gens usent de méthodes irrespectueuses de la démocratie, se croyant au-dessus de la justice et des lois votées démocratiquement.

Jean-Luc Addor, conseiller national (UDC/VS)

Activistes dénoncés par Jean-Luc Addor

L’affaire n’avait pas plu au conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS), qui a posé une question au Conseil fédéral: n’était-il pas de son devoir de dénoncer ces faits? Ce dernier refusant de le faire, l’avocat valaisan les a dénoncés lui-même, comme citoyen. Après quoi, le gouvernement a autorisé l’ouverture d’une procédure.

Jean-Luc Addor s’attend à ce que la loi soit appliquée, précisant qu’il existe une disposition dans le Code pénal suisse qui réprime clairement l’appel à la grève militaire.

«A l’époque des faits, le pays était en pleine crise Covid, et lorsque l’armée a été appelée à l’aide, elle a répondu présente», rappelle-t-il, estimant qu’avec leur appel, les activistes du climat «ont tenté d’entraver l’engagement de l’armée au détriment de l’intérêt de la population».

Méthodes contestées

Le conseiller national souligne qu’en arrière-plan de ce procès, il existe un débat politique.

«Une action politique, menée par les Verts et la gauche, vise à abroger la disposition qui sanctionne l’appel à la grève militaire. Mais pour l’instant, il ne s’agit que d’un débat et la loi doit être respectée», martèle-t-il, ajoutant que beaucoup de citoyens commencent à en avoir assez de la désobéissance civile employée par les associations pour le climat.

«Ces gens usent de méthodes irrespectueuses de la démocratie, se croyant au-dessus de la justice et des lois votées démocratiquement.»

Liberté d’expression

Avocat d’un des prévenus, accusé d’être l’auteur du texte, Me Nathanaël Pétermann fait valoir que lors du procès s’ouvrant vendredi devant la Cour des affaires pénales du TPF, il sera question d’examiner la portée de la liberté d’expression en regard d’un délit de nature politique, comme celui reproché à son client.

«La question de la proportionnalité des mesures d’instruction et de l’ampleur des perquisitions menées lors de l’enquête, à l’aide de moyens qui selon nous étaient disproportionnées compte tenu des enjeux, sera également soulevée.»

Les mesures adoptées par le MPC ont entraîné l’autocensure dans les milieux militants pour le climat, qui ont craint de subir l’oppression de l’Etat.

Nathanaël Pétermann, avocat de la défense

Il s’agira de s’interroger si dans une société démocratique, où la liberté d’expression est garantie par la Constitution fédérale et la Convention européenne des droits de l’homme, les mesures de contrainte prises par l’Etat étaient justifiées, indique-t-il.

«La défense tentera de démontrer que ce n’était pas le cas. Celles-ci ont en outre eu un chilling effect», estime Me Nathanaël Pétermann, soit un effet dissuasif quant à l’exercice légitime des droits légaux par la menace d’une sanction pénale.

«Les mesures adoptées par le MPC ont entraîné l’autocensure dans les milieux militants pour le climat, qui ont craint de subir l’oppression de l’Etat», soutient-il, ajoutant que ce sera à la justice de trancher.

La Liberté

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