Michèle Kahn, dans quel climat se déroule le scrutin?
Dans un climat délétère, puisque l'immense majorité des médias, les télévisions notamment, sont trustés par le pouvoir. Les partis d'opposition, qui sont d'ailleurs très faibles, ne parviennent pas, eux, à faire entendre leur voix. Il n'y a donc pas de véritable débat politique, hormis dans les médias en ligne ou au sein de la seule radio indépendante du pays, L'Echo de Moscou. Pire, des opposants sont parfois victimes d'agressions physiques.
Quelle est l'influence de Vladimir Poutine?
Son rôle est prédominant. Le président figure en tête de liste de Russie unie, qui représente le bloc progouvernemental. Ce scrutin lui permet d'entretenir et de renforer sa popularité. Cette dernière - il faut en convenir - est très forte, puisque les Russes mettent l'amélioration de leur situation économique sur le compte de l'action présidentielle.
Le réformateur Grigori Iavlinski estime que la Russie va se transformer en Etat semi-dictatorial. Partagez-vous ce sentiment?
Il a raison. Selon moi, la Russie ressemble d'ailleurs déjà à un Etat semi-dictatorial. Privés de médias libres, les citoyens ne peuvent pas être informés.
Dans les régions, depuis 2003, les gouverneurs ne sont plus élus au suffrage universel. Ils gravitent désormais dans le giron du pouvoir. Pour un pays qui se définit comme une fédération, c'est évidemment antidémocratique. Bref, ces législatives sont une farce!
La Russie glisse-t-elle à nouveau vers une forme de soviétisme?
Je dirais que le régime de Vladimir Poutine entretient une mémoire positive de l'époque soviétique et même de la période stalinienne. On insiste moins sur les répressions et les massacres du communisme. Mais on n'est plus dans une société verrouillée comme celle de l'Union soviétique: les Russes, et tout particulièrement la classe moyenne, peuvent sortir du pays, consulter internet, la seule barrière restant celle de l'argent.
En fait, l'ère Poutine se distingue par un mouvement vers l'autoritarisme marqué par un retour à un nationalisme présentable et par une connivence de plus en plus manifeste avec les forces les plus réactionnaires, telles que l'Eglise orthodoxe, comme c'était le cas avant la révolution bolchévique. / EDA