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Les journalistes prennent le pouvoir dans les rédactions

Les journalistes tunisiens, bâillonnés sous le régime du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, mènent leur propre «Révolution du jasmin». Ils s'emparent de la ligne éditoriale dans les rédactions, sans pour le moment exiger le départ de leur direction, souvent proche de l'ancien pouvoir.

21 janv. 2011, 11:34

Phénomène sans précédent, des comités de rédaction se sont formés dans les médias d'Etat, mais aussi dans les journaux privés réputés proches de l'ancien régime et jusque dans ceux de l'ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), dont la rue réclame la dissolution. «C'est nous qui décidons désormais de la ligne éditoriale», a déclaré Faouzia Mezzi, journaliste de «La Presse». Sous Ben Ali, ce titre prestigieux était passé totalement aux ordres de son entourage.

«On a constitué deux comités de rédaction, l'un pour 'La Presse' et l'autre pour 'Essahafa'», quotidien du même groupe en arabe, explique Faouzia Mezzi. Et la journaliste d'ajouter que le président directeur général du groupe a été confiné pour le moment au rôle de celui qui «signe les chèques» pour assurer la marche de l'entreprise.

Le premier signe du changement dans les médias est apparu dans la nuit qui a suivi la fuite vendredi de Ben Ali. Le logo «Tunis7» a disparu de l'écran de la télévision publique. Ce symbole renvoyait au 7 novembre 1987, date à laquelle l'ancien président avait pris le pouvoir. «Télévision nationale», proclame le nouveau logo, sur fond rouge et blanc, les couleurs nationales.

Le ton a totalement changé depuis cette date sur la chaîne publique, qui donne désormais la parole aux anciens opposants et aux gens dans la rue, et organise même des débats! Hermétique, elle était honnie en cachette par les Tunisiens car elle chantait à longueur de journée les mérites du régime. La population était en permanence branchée sur les télévisions satellitaires arabes.

Mais certaines habitudes ont la vie dure, comme le fait de respecter l'ordre protocolaire au principal journal du soir. Mardi, la première information concerne le président par intérim, Foued Mebazaa, qui reçoit un message du président algérien Abdel Aziz Bouteflika. «Aucune censure ne s'exerce aujourd'hui», indique Karima, une journaliste du service des informations de la radio publique RTCI. Mais «nous filtrons les informations en tentant de vérifier les faits. L'équipe de direction est là, mais elle nous laisse faire notre travail de journalistes».

Même son de cloche au groupe de presse proche de l'ancien pouvoir Maison Al-Anouar, qui a quatre titres. Les directeurs de l'information ont disparu, mais les journalistes continuent de travailler, indique Chokri Baccouche, rédacteur en chef adjoint de l'un de ces titres.

A l'agence officielle TAP, après un moment de flottement, la rédaction a pris les choses en main, tout en gardant le PDG. La prise de pouvoir s'est également effectuée à Radio Mosaïque FM, qui appartenait à des proches de Ben Ali.

«Nous avons décidé de prendre en main la ligne éditoriale de la radio pour qu'elle transmette la voix des Tunisiens quelles que soient leurs sensibilités et leur appartenance», ont annoncé dans un communiqué les cadres, les journalistes et les employés de cette station. Le gouvernement de transition a annoncé «la liberté totale» de l'information et aboli le ministère de la Communication, l'organe de propagande et de censure de l'ancien régime.

Des journalistes disent savourer la nouvelle liberté, avec un sens de la responsabilité. «Je sens que le rôle des journalistes dans la période qui s'ouvre est d'informer tout en préservant cette révolution contre les dérives et les usurpateurs», souligne l'un d'eux, Mahmoud Hosni. /ats-afp

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