Ce score, qui confirme un vent favorable déjà constaté par plusieurs enquêtes d'opinion, est nettement supérieur à celui qu'enregistrait le chef du Front national (FN) il y a cinq ans, à six mois de la présidentielle de 2002 (9%), qui s'était conclue par un duel Le Pen-Chirac. A l'époque, peu avaient misé sur une telle percée du leader de l'extrême droite française, arrivé devant le socialiste Lionel Jospin. Le verdict du premier tour le 21 avril 2002 (16,86% pour Le Pen) fit l'effet d'un séisme.
Jean-Marie Le Pen juge que le contexte politique et social lui est encore plus favorable cette fois: il affirme qu'il fera entre 20% et 22% des suffrages au premier tour de ce qui sera sa dernière campagne présidentielle. Le scénario est envisagé avec inquiétude dans les QG des grands partis.
Car Jean-Marie Le Pen a beau avoir 78 ans et combattu un cancer, il n'a rien perdu de sa verve et s'est refait une santé politique en profitant des émeutes des banlieues françaises à l'automne dernier.
«Chaque fois que quelque chose ne va pas en France, Le Pen capitalise. Il est porté par les peurs et les maux de la société française. Quand le mal s'aggrave, il engrange», commente le politologue Jean-Luc Parodi.
Le contexte actuel est fertile pour le Front national, comme pour d'autres partis d'extrême droite en Europe, souligne Jean-Luc Parodi, lié au «sentiment de malaise démocratique et d'une présence massive d'étrangers».
Le FN, né en 1972, a bâti sa force sur la dénonciation d'une immigration supposée «de masse» et d'une insécurité galopante, couplée à une croisade contre l'«establishment».
A son répertoire classique, le FN a ajouté de nouveaux thèmes, comme la lutte contre la mondialisation, et la lutte pour une «Europe des nations».
«Je ne laisserai pas Bruxelles vous amener à l'abattoir de la mondialisation!», lançait récemment Jean-Marie Le Pen en parlant agriculture à un auditoire. En vogue aussi au FN, des thèmes socio-économiques comme la défense des retraites. Modernisé, son programme pour la présidentielle sera «un programme de droite mais qui répond à des préoccupations de gauche», a ainsi expliqué un responsable du parti.
La fille de Jean-Marie Le Pen, Marine a oeuvré à «polir» l'image du FN, loin des dérapages verbaux passés de son père. Elle joue ainsi l'apaisement sur des thèmes comme l'avortement ou l'homosexualité.
Jean-Marie Le Pen «s'y croit déjà» titrait cette semaine l'hebdomadaire «Le Point». Mais pourrait-il parvenir au second tour, et créer un «21 avril bis»? «C'est théoriquement possible, mais politiquement improbable», estime Jean-Luc Parodi. Selon lui, «Le Pen vieillit. Et cette présidentielle est placée sous le ton du renouvellement». / ats-afp