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Le patrimoine archéologique afghan en danger

99,9% des sites archéologiques afghans sont pillés en Afghanistan. Ravagé par plus de trente années de conflit, le pays peine à protéger son patrimoine culturel.

16 août 2012, 07:03
En Occident, le présence de telles ruines millénaires provoquerait instantanément des fouilles de grande ampleur.

 "La statue est là", dit l'archéologue en désignant le sol de ses deux mains. Plusieurs mètres sous lui, des morceaux d'une statue de bouddha découverts en 2008 à Bamiyan, dans le centre de l'Afghanistan, ont été recouverts de gravier pour éviter les vols ou dégradations.

L'homme se trouve au pied des magnifiques falaises montagneuses mondialement connues pour avoir abrité pendant 1500 ans deux bouddhas géants sculptés à même la roche, jusqu'à leur destruction par les talibans en 2001.
 
Plus de dix ans après l'intervention militaire occidentale et la chute du régime fondamentaliste, les trésors archéologiques laissés par la civilisation gandhara du premier millénaire sont un peu plus en sécurité en Afghanistan.
 
L'endroit montré par Zemaryalai Tarzi, archéologue français d'origine afghane qui, à 75 ans, dirige les fouilles à Bamiyan, est une place vaste comme un demi terrain de football qui sépare les cultures des maisons.
 
C'est là, sous des tonnes de petits cailloux, que gisent les restes d'un autre bouddha, allongé celui-ci, de 19 mètres, mais aussi d'une petite chapelle, d'une douzaine de statues... "On recouvre tout, car les terrains sont privés. Et pour empêcher les pillages", explique M. Tarzi.
 
Les sites pillés à 99,9%
 
Autour de lui, sous des centaines de mètres carrés de terrains agricoles ou habités dort un patrimoine historique exceptionnel, assure-t-il, ajoutant: "La première année, on a fouillé là, au niveau des champs de pommes de terre".
 
En Occident, le présence de telles ruines millénaires provoquerait instantanément des fouilles de grande ampleur, puis la mise en valeur des vestiges déterrés. Rien de tout cela en Afghanistan, ravagé par plus de trente ans de conflit.
 
"Ici, le meilleur endroit pour des ruines archéologiques, c'est sous le sol", affirme Brendan Cassar, chef de mission à l'UNESCO. Un enfouissement qui les protège des voleurs et d'un rude hiver froid et enneigé.
 
"99,9% des sites sont pillés à une plus ou moins grande échelle", note Philippe Marquis, le directeur de la Dafa, la délégation archéologique française en Afghanistan, en regrettant qu'il suffise aux trafiquant de payer des hommes "4 à 5 dollars par jour pour causer des dommages irréparables à leur pays".
 
Mieux éduquer la population
 
Le salut passe par une meilleure éducation de la population, estime Brendan Cassar. Mais également par une mobilisation internationale via Interpol, souligne-t-il, les oeuvres d'art extraites pour si peu en Afghanistan étant vendues parfois des dizaines de milliers de dollars dans les capitales européennes ou asiatiques.
 
"Et les gens qui les achètent sont, eux, assurément très éduqués", soupire-t-il. La vallée de Bamiyan, qui abrite également de nombreux vieux forts, temples et peintures rupestres, a été placée en 2003 sur la liste UNESCO des sites menacés.
 
Mais bien d'autres vestiges afghans n'ont pas eu cette chance, tel celui d'Hadda, dans l'est, autrefois célèbre pour ses milliers de sculptures gréco-bouddhiques vieilles de deux millénaires mais ravagé par la sanglante guerre civile des années 1990.
 
Les effets indirects du conflit ne sont pas non plus indolores. Une ville du XIe siècle, extrêmement bien conservée, est désormais habitée à 70% par des déplacés de guerre à Lashkar Gah, capitale du Helmand au sud du pays. "Les conséquences sont de facto irrémédiables", regrette Philippe Marquis.
 
Projets industriels destructeurs
 
Autre plaie pour l'archéologie, certains projets industriels. Une cité antique de quatre kilomètres carrés est ainsi menacé par l'exploitation d'une mine de cuivre à Ainak, dans le Logar, au sud de Kaboul. Malgré trois ans de fouilles préalables, l'anéantissement du site est programmé.
 
"Les questions culturelles ne sont jamais la priorité. La sécurité oui, qui consomme 40% du budget de l'Etat afghan", constate Habiba Sorabi, la gouverneure de Bamiyan, où très peu de ressources publiques sont allouées à l'archéologie.
 
Mais Farid Haidary, un archéologue afghan, reconnaît lui même que le retour sur investissement est incertain, alors que certains craignent, après le retrait de l'OTAN prévu fin 2014, une nouvelle guerre civile ou un retour au pouvoir des talibans, qui ont gagné du terrain ces dernières années.
 
"Beaucoup d'argent avait été dépensé pour restaurer les deux bouddhas géants" avant leur destruction en 2001, remarque-t-il, avant de demander: "A quoi cela sert-il de construire quelque chose si les talibans, qui sont à 20 km de Bamiyan, le détruisent ensuite?"
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