Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a pris lundi l'engagement de "tout faire" pour retrouver les assassins de deux journalistes français froidement abattus dans le nord du Mali.
"Aujourd'hui même, nous avons ouvert une enquête judiciaire sur ces assassinats. Et ce soir des enquêteurs français sont attendus ici pour travailler main dans la main avec leurs collègues maliens", a déclaré le chef de l'Etat malien en recevant à Bamako des membres de la direction de Radio France Internationale (RFI) où travaillaient les deux journalistes.
Il a annoncé qu'il assisterait lundi soir à une cérémonie en l'honneur des deux journalistes pour "s'incliner sur (leurs) dépouilles" et qu'il les décorerait à titre posthume au nom du Mali.
"Kidal échappe à notre contrôle"
Evoquant la situation à Kidal, à plus de 1500 kilomètres au nord-est de Bamako, où les journalistes ont été tués juste après avoir été enlevés, le président malien a déclaré: dans cette ville, "nos forces de sécurité sont confinées, l'arme au pied, Kidal échappe aujourd'hui à notre contrôle".
"Il faut que la souveraineté du Mali sur Kidal soit une réalité (...), je veux que tout le monde prenne ses responsabilités", a-t-il dit.
Des "opérations pour identifier un certain nombre de personnes dans des campements" ont été lancées dimanche et étaient toujours "en cours" lundi pour retrouver les tueurs, a déclaré de son côté le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius. "A l'heure actuelle, on n'a pas de certitude sur qui a commis cet assassinat", a-t-il ajouté depuis Paris.
Interpellations démenties
Une source à la gendarmerie de Gao, la grande ville du nord du Mali, a affirmé qu'une "dizaine de suspects" avaient été interpellés "dans la région de Kidal" depuis les meurtres.
L'entourage du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a démenti ces interpellations, mais indiqué que les militaires français disposent "d'indications permettant de remonter la trace" des assassins.
Les corps de Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, ont été ramenés de Kidal dimanche soir à Bamako. Leur rapatriement en France était prévu lundi soir.
Après avoir rencontré le président Keïta, la délégation de RFI conduite par Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, qui comprend RFI, s'est entretenue avec son Premier ministre Oumar Tatam Ly. Elle a ensuite participé avec centaines de journalistes maliens à une marche organisée à Bamako à la mémoire de leurs deux confrères tués.
Nombreuses zones d'ombre
De nombreuses zones d'ombre demeurent sur les causes et les circonstances de la mort des deux journalistes, enlevés en plein jour dans une ville qui est une zone de non-droit ouverte aux groupes armés de toutes sortes.
Selon le ministre malien de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, "la situation de Kidal est telle que toutes les infiltrations sont possibles", dont celle d'islamistes armés radicaux de groupes liés à Al-Qaïda qui avaient occupé la ville et tout le nord du Mali pendant plusieurs mois en 2012, avant de fuir l'intervention de l'armée française en janvier 2013.
Rébellion impuissante
Selon Ambéry Ag Rhissa, représentant du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg) que les journalistes venaient d'interviewer et qui a assisté à l'enlèvement, les agresseurs parlaient tamashek, la langue des Touareg.
Mahamadou Djéri Maïga, vice-président du MNLA, a lui indiqué à Ouagadougou que la rébellion se sentait "humiliée" mais impuissante pour enquêter au sujet de l'assassinat des deux journalistes à Kidal, qu'elle dit "ne plus contrôler".