L'heure de la rentrée a sonné pour Nicolas Sarkozy. Du fond de sa «retraite» américaine, le président français ne devait pas penser que sa tournée éclair en Afrique à fin juillet allait susciter la polémique au mois d'août. Chantre de la rupture, il ne paraît pas vouloir tirer un trait sur l'héritage politique français en Afrique.
Un signe? Fin juillet, sa visite sur le continent - grandement occultée par l'affaire des infirmières bulgares - s'est achevée chez Omar Bongo au Gabon. «Ami» de la France, ce dernier règne sans partage sur son pays depuis 40 ans. A l'Elysée, les tenants de la Françafrique semblent toujours avoir le dessus.
Davantage que la rencontre avec Bongo, c'est le discours de la veille à Dakar - le 26 juillet - qui a échauffé les esprits ces dernières semaines.
Né de la plume de son conseiller Henri Guaino, le propos mêle la colonisation - toute repentance étant exclue -, l'immigration régulée et les liens entre la France et l'Afrique.
Une phrase a notamment choqué les esprits: «Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.»
«Qu'entendez-vous par histoire? N'y comptent que ceux qui y sont entrés comme vainqueurs? Laissez-nous vous raconter un peu cette histoire que vous semblez fort mal connaître. Nos pères, par leurs luttes sont entrés dans l'histoire en résistant à l'esclavage, nos pères par leurs révoltes, ont contraint les pays esclavagistes à ratifier l'abolition de l'esclavage, nos pères par leurs insurrections - connaissez-vous Sétif 1945, connaissez-vous Madagascar 1947? - ont poussé les pays colonialistes à abandonner la colonisation. Et nous qui luttions depuis les indépendances contre ces dictateurs soutenus entre autres par la France et ses grandes entreprises.», rétorquent des intellectuels africains dans une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, publiée par le quotidien «Libération».
Ce n'est là qu'un exemple des nombreuses réactions dont regorge la presse française. La donne n'est pas aisée pour le nouveau président. Sur le plan intérieur, il y a l'immigration qu'il souhaite juguler. Sur le plan extérieur, l'influence française en Afrique est sérieusement mise à mal, notamment par la Chine et les Etats-Unis. La première investit massivement, les seconds n'y sont pas aussi impopulaires qu'au Moyen-Orient ou en Amérique latine. Par ailleurs, les deux puissances n'ont pas de passé colonial.
Nicolas Sarkozy doit retourner en Afrique avant la fin de l'année. Il sera reçu, en principe, par Thabo Mbeki. Le président sud-africain est un des rares à avoir salué le discours de Dakar. «Je comprends pleinement le défi face auquel vous nous placez en tant qu'Africains», a-t-il écrit dans une lettre adressée à son homologue français. L'Elysée s'est d'ailleurs empressé de la rendre publique. / dad