Votre publicité ici avec IMPACT_medias

«L'Union doit se mettre d'accord sur un grand plan de relance»

Les élections européennes, qui se tiendront du 4 au 7 juin, risquent d'être marquées par un taux d'abstention record. Eurodéputé de la première heure, le Belge Gérard Deprez en dresse les enjeux.

06 juin 2009, 11:31

Les ?lections europ?ennes ont commenc? jeudi. Elles se termineront demain. Pr?s de 375 millions de personnes devront choisir 736 eurod?put?s, dans les 27 pays de l'Union. Interview du centriste belge G?rard Deprez, membre du groupe des lib?raux et d?mocrates et v?t?ran de la construction europ?enne, qui est parlementaire europ?en depuis 1984. Entretien.

Vous ?tes un briscard de la construction europ?enne. Comment a ?volu? le Parlement, depuis que vous y si?gez?

Plus rien n'est pareil! En 1984, l'Union comptait dix pays; on est vingt-sept aujourd'hui. Ca fait une ?norme diff?rence. Les comp?tences du Parlement ont radicalement ?volu?, par ailleurs. En 1984, on n'avait rien ? dire. Aujourd'hui, les eurod?put?s sont non seulement devenus co-d?cideurs en mati?re budg?taire, mais ?galement co-l?gislateurs dans la plupart des domaines, en tout cas ceux li?s ? l'organisation du march? int?rieur. Le travail est devenu beaucoup plus technique et astreignant.

Paradoxalement, plus le Parlement gagne de pouvoirs, plus il devient impopulaire: on craint un taux d'abstention record, lors des ?lections.

Non, non, non. Il y a une d?saffection assez grande ? l'?gard de l'?lection. Mais tous les sondages l'indiquent: le Parlement est l'institution europ?enne qui inspire la plus confiance aux citoyens. Les gens ne se d?sint?ressent pas de l'Europe - ils veulent m?me accorder davantage de comp?tences ? l'Union - mais l'?lection ne les mobilise pas.

Comment l'expliquez-vous?

Lors d'?lections l?gislatives, on vote surtout pour savoir par qui on va ?tre gouvern?. A l'?chelle europ?enne, on sait que ce n'est pas le Parlement europ?en qui choisit l'ex?cutif. Deuxi?mement, les citoyens n'ont pas conscience de tout le travail l?gislatif qu'on fait au niveau europ?en, car les directives qu'on adopte n'existent dans les pays qu'apr?s avoir ?t? transpos?es dans le droit national. Or, quand les parlementaires nationaux transposent une directive, ils font comme s'ils venaient d'inventer une l?gislation. Enfin, la nature du syst?me ?lectoral ne nous aide pas dans certains pays. La France, par exemple, a taill? des circonscriptions sur mesure pour les ?lections europ?ennes qui ne ressemblent ? rien. Elles n'ont aucune r?alit? administrative.

Le Parlement europ?en ne devrait-il pas lui aussi faire son autocritique? On a l'impression que les d?s sont pip?s, les conservateurs et les socialistes s'entendant toujours pour imposer leurs vues aux autres et se partager le perchoir, ? Strasbourg.

C'est aussi une calamit?. J'esp?re que ?a ne va pas se reproduire, notamment pour la d?signation du pr?sident de la Commission.

Au sein du Parlement, il y a notamment Libertas, le mouvement eurosceptique fond? par le milliardaire irlandais Declan Ganley. Craignez-vous l'?mergence d'un fort courant anti-europ?en?

Je pense qu'il y aura dans le futur Parlement une triple repr?sentation qui sera renforc?e: les eurosceptiques, un courant de droite poujadiste et l'extr?me gauche. Mais c'est bon pour la d?mocratie, parce que ?a d?montre que la construction europ?enne est un choix politique et pas une donn?e naturelle.

Faisons le bilan de la l?gislature pass?e. Quelles victoires le Parlement europ?en a-t-il remport?es?

Il y en a beaucoup. Il a ? la fois rempli un r?le de l?gislateur tr?s pointu, sur la lib?ralisation des services, l'enregistrement des substances chimiques ou encore la lutte contre le r?chauffement climatique, et un r?le de gardien de la conscience d?mocratique, ? propos de Guantanamo ou des vols de la CIA.

Et quels ?checs l'Europe a-t-elle subis, au cours des cinq derni?res ann?es?

Il y a un qui est criant et ne peut pas rester impuni: l'incapacit? de l'Union ? se mettre d'accord sur un grand plan de relance de l'?conomie, apr?s la crise du syst?me financier. On a adopt? 27 petits plans dans 27 pays et ajout? des cacahu?tes - 5 milliards d'euros - du budget ordinaire de l'Union. Quand on compare cela au plan am?ricain, il est clair qu'on est en de?? de ce qui est n?cessaire.

A qui la faute?

Je pense qu'? la fin de sa pr?sidence de la Commission, Barroso a davantage essay? de ne pas heurter les Etats membres que de donner de l'?lan ? la construction europ?enne. Dans ce dossier-l?, il n'a pas ?t? ? la hauteur de l'enjeu.

Le Parlement n'aurait rien pu faire?

Ce n'?tait pas possible. Il n'y avait pas de t?che l?gislative imm?diate; l'affaire devait ?tre r?gl?e par les chefs de gouvernement. Et puis, si on avait vot? une motion de censure contre la Commission, on aurait provoqu? une crise suppl?mentaire.

Quels sont les grands enjeux de la l?gislature ? venir?

Il faut tout d'abord faire face ? l'urgence et remettre de l'ordre dans le syst?me financier. Deuxi?me priorit?: on doit conjuguer la n?cessit? de relancer l'?conomie europ?enne pour ne pas prendre du retard sur les Etats-Unis et celle de r?ajuster notre politique ?nerg?tique pour lutter contre le r?chauffement climatique. C'est un chantier colossal, qui r?clame des moyens financiers dont les Etats, super-endett?s, ne disposent pas. La troisi?me priorit?, qui va devenir de plus en plus importante, c'est la politique d'immigration et d'asile. Nous devons absolument am?liorer notre gestion des flux migratoires et le d?veloppement de l'Afrique. La situation va devenir explosive, sinon. Enfin, il faut stabiliser institutionnellement l'Union. Pour cela, il faut que le Trait? de Lisbonne soit rapidement ratifi?. Et il faut faire une pause, en mati?re de politique d'?largissement de l'Union.

Y compris pour la Croatie et, ?ventuellement, l'Islande?

Oui. Il n'y a aucune urgence ? ce que ces pays entrent dans l'UE. L'?largissement doit se faire ? un rythme sage et lent. /TVE

Votre publicité ici avec IMPACT_medias