«L'avenir de l'Europe est au Sud»

Le président français Nicolas Sarkozy lance demain avec faste à Paris son projet phare d'«Union pour la Méditerranée» (UPM) avec les dirigeants de plus de 40 pays. Cette cérémonie intervient malgré des dissensions persistantes et les doutes sur le bon fonctionnement d'un tel ensemble. La présence du président syrien Bachar al-Assad, longtemps placé au ban des nations, va marquer ce sommet auquel assistera aussi le premier ministre israélien Ehoud Olmert. Bachar al-Assad et Ehoud Olmert se retrouveront assis autour de la même table, à distance toutefois. Si une rencontre directe n'est pas à l'ordre du jour, tout le monde guettera une éventuelle poignée de main, qui serait historique, entre les chefs de deux pays formellement en état de guerre depuis 1948.

13 juil. 2008, 12:00

Un seul invité de marque a ostensiblement boudé la rencontre: le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui a comparé le projet à un «champ de mines» destiné à replacer les pays arabes sous la coupe des Européens.

Ce sommet a été agencé par Nicolas Sarkozy pour constituer l'événement diplomatique majeur de sa présidence de l'UE, lancée le 1er juillet. Il se tiendra sous haute surveillance policière au Grand Palais, un monument bâti pour l'exposition universelle de 1900, et ne durera que trois heures, dimanche après-midi.

Il donnera naissance à une Union d'au moins 43 membres: les 27 de l'UE, dix pays du Sud - Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Mauritanie, Syrie, Tunisie et Turquie - et l'Autorité palestinienne, ainsi que l'Albanie, la Croatie, la Bosnie - Herzégovine, le Monténégro et Monaco. La Libye figure sur la liste des invités. Cette union formera un ensemble hétérogène de 765 millions de personnes, s'étirant des rives danoises du Groënland aux sables de Jordanie.

Pour Nicolas Sarkozy, qui estime que «l'avenir de l'Europe est au Sud», elle doit permettre aussi de gagner le combat contre le «terrorisme, l'intégrisme, le fondamentalisme». L'UPM doit reposer sur des coopérations autour de thèmes concrets, comme la dépollution, l'énergie solaire ou la sécurité civile.

Le président français veut la différencier du «processus de Barcelone», lancé en 1995 entre l'UE et les pays du Sud. Malgré des résultats limités, les Européens n'ont pas voulu faire table rase de ce processus.

Car la chancelière Angela Merkel a, elle, refusé tout net le projet initial du président français, qui était limité aux seuls pays du pourtour méditerranéen. Angela Merkel y a vu une menace d'«explosion» de la construction européenne. Elle a exigé - et obtenu - que l'Union pour la Méditerranée revienne dans le giron européen et intègre les 27 de l'UE, se plaçant dans la continuité de Barcelone.

Même si elle y participe, la Turquie s'inquiète, elle, d'un projet pouvant apparaître comme un moyen de contourner son adhésion à l'UE, que refuse obstinément Nicolas Sarkozy. La France a dû aussi surmonter l'hostilité de pays arabes, comme l'Algérie, réticents à s'engager dans une union incluant Israël. Sans compter les rivalités qui voient par exemple Rabat et Tunis se disputer avec acharnement le siège du futur Secrétariat général de l'UPM. Le sommet pourrait remettre à plus tard notamment la question du Proche-Orient et d'autres sujets épineux. Le sommet sera aussi l'occasion d'une intense activité diplomatique parallèle. Le président syrien doit s'entretenir pour la première fois avec le nouveau chef de l'Etat libanais, Michel Sleimane, et M. Olmert rencontrera le président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas. / ABO-afp