Des défections de dernière minute ont fait parler Vienne, celle du directeur musical de l'opéra Seiji Ozawa hospitalisé la semaine dernière au Japon pour un refroidissement et celle du metteur en scène Willy Decker, remplacé les dernières semaines par son assistante Karin Woykowitsch. En matière de chef, la production ne courait aucun risque en confiant la direction à Peter Schneider, qui avait déjà dirigé l'oeuvre à Munich. La sensualité du timbre musical de l'orchestre et sa précision ont envoûté par leur magistrale sérénité. Comme cet été pour «La Traviata» à Salzbourg, Willy Decker a opté pour une scénographie sobre. L'essentiel des scènes se déroulant sur un vertigineux escalier dont on croit sans peine son passé de pierre. Les crânes poudrés du choeur et leur densité crient l'ampleur du drame qui frappe le roi de Crète, Idoménée ayant fait lors d'un naufrage le voeu de sacrifier le premier homme qu'il rencontrerait et qui sera son fils Idamante, aimé de la princesse troyenne Ilia. Les miroirs, les tableaux bleus et les morceaux de marbre brandis par le peuple sont autant d'éléments de décors contemporains décalés et justes dans la tension qu'ils maintiennent. Et l'hymne de joie et de reconnaissance qui clôt l'oeuvre frappe par la libération des chanteurs habillés de façon contemporaine comme dans une comédie musicale de Jacques Demy ou presque.
Les changements de ton charment. Angelika Kirchshlager, Genia Kühmeier (Ilia) et Barbara Fritolli ont été acclamés, l'accueil réservé au baryton Neil Shicoff dans le rôle- titre a été beaucoup plus froid. Avec humour et élégance, le chanteur a envoyé ses bons baisers aux siffleurs.
Cette production prouve que cet opéra longtemps considéré comme une oeuvre de jeunesse et réhabilité par le festival de Glyndebourne, vers 1950, démontre «la vitalité incroyable de Mozart, apte à faire avec toute forme qu'il rencontre bien mieux que du neuf (qui se démode, aussi): du vivant, de l'animé, du terrible (parfois), de l'humain (toujours)», écrit André Tubeuf dans «Mozart Chemins et Chants».
Samedi soir, la somptueuse grande salle du Konzerthaus remplie jusqu'au dernier strapontin frémit à l'idée d'entendre le pianiste italien Maurizio Pollini. La direction artistique de l'année Mozart lui a confié une série de huis concerts où il met en perspective les oeuvres du génie de Salzbourg et des compositeurs contemporains. Pour cette première date, il était entouré par le quatuor Alban Berg et l'altiste Krzysztof Chorzelski pour des interprétations lyriques et profondes des concertos KV 478 et KV 515. Mais une fois de plus, c'est en solo que le maître a bouleversé, sans partition et avec une intense violence fondant le KV 540 de Mozart et les Variations pour piano opus 27 d'Anton Webern dans un même écrin de rêves enrubannés d'angoisses. Concentré sur le texte de la «Deuxième sonate» de Pierre Boulez, il montre à quel point la musique contemporaine parle: vécue à ce point d'incandescence. /ACA
«Idoménée», à voir encore en janvier, février et juin. «Pollini Perspektiven», encore sept concerts entre février et décembre 2006. Tous les renseignements sur www.wienmozart2006.at. Frantour a invité la presse romande à Vienne et propose différents forfaits pour l'année Mozart