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Eclairage: «L’impeachment ou le théâtre de l’absurde politique»

Des universitaires nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Patrick Vincent, professeur à l’Université de Neuchâtel, évoque la procédure d’impeachment engagée à l’encontre du président des Etats-Unis Donald Trump.

25 nov. 2019, 17:00
Une commission de la Chambre des représentants a mené les auditions dans le cadre de la procédure d'impeachment à l'encontre de Donald Trump.

Le rideau vient de tomber sur le premier acte du procès d’impeachment du 45e président des États-Unis. L’histoire, qui correspond au modèle classique des motivations décrit par Greimas, était connue d’avance: un émetteur, le président, désirait un objet, ternir l’image de son rival politique; il a commandité un héros, son avocat personnel, qui, à l’aide de complices et d’un quid pro quo, a cherché à éliminer des opposants potentiels, dont l’ambassadrice des États-Unis à Kiev, afin d’obtenir du nouveau dirigeant ukrainien une déclaration préjudiciable à son adversaire.

L’intrigue a été interrompue par un lanceur d’alerte, un rebondissement qui a fâché tous les bénéficiaires potentiels de l’action, y compris le président et ses suppôts du Parti républicain.

L’action telle qu’elle a été représentée lors des audiences de la House Intelligence Committee a suivi de près cette trame. Chacun a joué son rôle, les répliques étaient largement prévisibles, et il y a eu peu de véritables surprises. Il y a donc aussi eu peu d’effet sur l’opinion publique, qui demeure profondément divisée concernant la culpabilité du président.
 

Donald Trump serait-il donc devenu le nouvel Incorruptible?

C’est d’ailleurs cette division qui a été le véritable spectacle, distinguant de manière dramatique la procédure de destitution du président Trump de celle de Clinton en 1998, ou de Nixon en 1974. Les représentants des deux partis ont tenu le même discours empreint de patriotisme et d’indignation vertueuse. En revanche, les mots dont ils se sont gargarisés («service au pays», «diffamation», «complot») avaient rarement le même sens, comme si démocrates et républicains parlaient deux langues différentes, bafouant les règles de la vraisemblance et laissant le spectateur perplexe.

Parmi les raisons de cette incohérence, on peut citer leurs interprétations de plus en plus divergentes du processus politique, le Parti démocrate donnant la priorité à l’état de droit, les républicains à la souveraineté populaire. L’évolution radicale de l’écosystème des médias, et notamment les phénomènes de la chambre d’écho et de la bulle à filtre, n’a fait qu’exacerber cette divergence.

Le procès du président a donc révélé au plein jour ce que l’on savait déjà: il y a aujourd’hui non pas une, mais deux Chambres des représentants aux États-Unis qui opèrent chacune en vase clos. La véritable surprise de ce procès était de voir les démocrates chercher à défendre les institutions, une fonction traditionnellement dévolue aux conservateurs, tandis que les républicains ont revêtu le rôle des jacobins, prêt à tout autoriser au nom du peuple.

Donald Trump serait-il donc devenu le nouvel Incorruptible? 

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