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Chine: l'intellectuel ouïghour Ilham Tohti condamné à vie pour "séparatisme"

L'intellectuel ouïghour Ilham Tohti a été condamné à la prison à vie pour "séparatisme". Figure de la contestation de cette minorité musulmane contre Pékin, il devrait faire appel de ce verdict.

23 sept. 2014, 10:18
Ilham Tohti a également vu tous ses biens confisqués.

L'intellectuel ouïghour Ilham Tohti, figure critique mais modérée de la politique de Pékin au Xinjiang, a été condamné mardi à la prison à vie pour "séparatisme", selon ses avocats. Ce verdict radical augure mal d'un apaisement dans cette immense région musulmane rétive à la tutelle chinoise.

Après deux jours de procès sous haute surveillance la semaine dernière, le tribunal populaire intermédiaire d'Urumqi, capitale du Xinjiang, s'est prononcé en faveur de la plus lourde peine encourue, la prison à vie. C'est ce qu'a annoncé l'avocat Li Fangping, joint au téléphone par l'AFP depuis Pékin à la sortie de trois heures et demi d'audience.

"Il fera certainement appel", a assuré l'avocat, rapportant que l'épouse d'Ilham Tohti s'était effondrée en larmes dans le tribunal à l'annonce du verdict. "Ilham a été condamné à la prison à vie pour séparatisme et tous ses biens confisqués. Ilham n'a dit qu'une phrase: 'Je n'accepte pas ce verdict, je proteste!'", a rapporté peu après sur son microblog son deuxième avocat, Liu Xiaoyuan.

Verdict le plus sévère

Le verdict est le plus sévère infligé depuis des années à un critique du régime, relèvent les analystes. Economiste respecté, enseignant à l'Université des minorités de Pékin et auteur de plusieurs ouvrages, Ilham Tohti était un observateur indépendant et écouté dans les chancelleries de la capitale sur l'évolution du Xinjiang, en proie à un regain de violences depuis l'an dernier.

Adversaire déclaré de la politique d'assimilation forcée des Ouïghours et autres minorités menée d'une main de fer par Pékin, ce musulman modéré, âgé de 44 ans et père de trois enfants, était aussi opposé à toute séparation du Xinjiang, situé aux confins de l'Asie centrale, d'avec la Chine ainsi qu'au radicalisme islamiste.

Ce dernier courant est à l'origine d'une vague d'attentats meurtriers au Xinjiang et dans le reste de la Chine depuis plus d'un an, selon les autorités. Ilham Tohti avait été arrêté à Pékin en janvier dernier et incarcéré dans un endroit inconnu. Selon ses proches, l'intellectuel a été enchaîné et privé de nourriture durant de longues périodes pendant sa détention.

Diplomates empêchés

Une dizaine de diplomates étrangers s'étaient rendus à Urumqi pour son procès mais s'étaient vu refuser l'accès à la salle d'audience, tout comme la presse internationale. "Ilham Tohti exerçait ses activités dans le respect de la loi chinoise et nous pensons qu'il doit être libéré", avait déclaré à Urumqi Raphaël Droszewski, premier secrétaire à la délégation de l'Union européenne à Pékin.

Les procureurs avaient montré à l'audience des vidéos des cours de M. Tohti et des commentaires publiés sur son site web, en guise de preuves qu'il dirigerait un groupe séparatiste, avait indiqué l'avocat Li Fangping. Sept de ses étudiants avaient été arrêtés et leurs témoignages utilisés contre lui au procès.

"Un Mandela ouïghour"

"C'est un très mauvais signal pour les relations entre Ouïghours et Han", l'ethnie majoritaire en Chine, arrivée par millions au Xinjiang ces dernières décennies, a commenté pour sa part Joseph Cheng, professeur à la City University de Hong Kong. Selon lui, ce verdict "reflète les valeurs et le style de l'administration de Xi Jinping", le président chinois.

"Ce 23 septembre 2014, les autorités ont crée un Mandela ouïghour", a réagi sur son microblog le romancier pékinois Wang Lixiong, critique déclaré de la politique chinoise au Tibet.

"Ce verdict honteux n'a aucun fondement réel. Ilham Tohti a travaillé à jeter des passerelles pacifiques entre communautés ethniques", a estimé Amnesty International. L'ONG a ajouté que "cet affront à la justice" "tourne en dérision les appels du président Xi Jinping à une plus grande compréhension et solidarité entre Ouïghours et Han".

L'ONG Human Rights Watch (HRW) avait dénoncé son procès comme une "mascarade de justice" illustrant "l'intolérance (du pouvoir) vis-à-vis des critiques pacifiques" qui ne pouvait que "conforter le sentiment de discrimination à l'encontre des Ouïghours", avait prévenu HRW.

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