Chen Guangcheng veut partir aux Etats-Unis

Craignant pour sa sécurité, le dissident chinois Chen Guangcheng demande désormais l'asile aux Etats-Unis.

03 mai 2012, 18:11
L'avocat dissident Chen Guangcheng (gauche), tient la main de l'envoyé américain chargé des affaires de l'Asie Pacifique Kurt Campbell. L'ambassadeur Gary Locke est derrière.

L'avocat autodidacte aveugle a passé six jours à l'ambassade des Etats-Unis après avoir échappé à la surveillance du régime chinois. Il se trouve depuis mercredi dans un hôpital de Pékin sous le contrôle des autorités chinoises. Il dit craindre pour sa vie, celle de son épouse et de ses deux enfants.

Washington espérait avoir mis fin à la crise diplomatique en obtenant de Chen Guangcheng qu'il quitte l'ambassade après avoir reçu, selon la version américaine, l'assurance qu'il pourrait vivre en sécurité avec sa famille sur le sol chinois.

Menaces chinoises

Escorté par des responsables américains jusqu'à l'hôpital où il est soigné pour une fracture du pied, Chen a toutefois déclaré jeudi qu'il avait changé d'avis après une discussion avec sa femme.

Dans une interview à CNN dans la nuit de mercredi à jeudi, le militant a expliqué qu'après son évasion, sa femme avait été attachée à une chaise pendant deux jours par la police du Shandong et menacée d'être battue à mort.

"Je ne me sens pas du tout en sécurité. Mes droits et ma sécurité ne peuvent pas être garantis ici", a-t-il ajouté, alors qu'il ne se trouve plus sous protection américaine.

L'avocat et sa famille "ont changé d'avis sur la question de leur maintien en Chine", a confirmé la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland, ajoutant: "Nous devons avoir d'autres consultations avec eux pour mieux comprendre ce qu'ils veulent et voir ensemble les possibilités".

Aide américaine

"Nous ferons tout notre possible pour l'aider", avait dit plus tôt un responsable américain sous couvert de l'anonymat. Les Etats-Unis n'ont toujours pas fourni les excuses exigées par Pékin pour avoir accueilli le dissident.

Wei Jingsheng, dissident chinois vivant aux Etats-Unis, estime pour sa part qu'il n'y a "aucune chance" que le gouvernement chinois autorise Chen Guangcheng à quitter le pays. Cela créerait un dangereux précédent pour Pékin.

L'ambassadeur américain Gary Locke a pour sa part assuré que Chen n'a "jamais été poussé" à quitter la mission diplomatique des Etats-Unis. L'accord passé opportunément entre Pékin et Washington à la veille de leur dialogue au sommet soulevait de nombreuses questions.

L'opposant chinois avait quitté l'ambassade sous le coup de menaces de représailles contre sa famille, qui aurait été renvoyée dans sa province du Shandong s'il était resté dans la mission, selon Washington. Une information que le porte-parole de la diplomatie chinoise a contredite jeudi en assurant que Chen avait quitté l'ambassade "de son plein gré".

"Respect" et "confiance"

A l'ouverture des entretiens annuels à Pékin dans le cadre du "dialogue stratégique et économique" entre les Etats-Unis et la Chine, la secrétaire d'Etat américaine a prôné le respect des droits de l'homme, sans mentionner explicitement Chen.

"Nous pensons que tous les gouvernements doivent répondre aux aspirations des citoyens à la dignité et à l'Etat de droit et qu'aucun pays ne peut ni ne doit leur dénier ces droits", a-t-elle déclaré.

S'exprimant en ouverture des entretiens sino-américains, le président chinois Hu Jintao a simplement jugé, sans mentionner Chen non plus, que "pour bâtir une nouvelle relation entre la Chine et les Etats-Unis, nous devons nous faire confiance mutuellement".

Depuis sa libération de prison en septembre 2010, Chen, avocat autodidacte aveugle qui a dénoncé les avortements forcés dans le cadre de la politique de l'enfant unique, était assigné à résidence. Il a échappé à ses gardes le 22 avril et a pu gagner la capitale grâce à l'aide de ses sympathisants.

La nouvelle de son évasion a été rendue publique vendredi. Les Etats-Unis ont seulement confirmé mercredi qu'il avait trouvé refuge à leur ambassade à Pékin, ce qui a déclenché une crise diplomatique.