Avec son faux air de chat, elle est dotée de capteurs d’obstacles et d’amortisseurs, et c’est chargée de verres et d’assiettes qu’elle glisse telle une patineuse entre les salles et la cuisine. BellaBot, c’est son nom, n’est autre que le robot assistant des employés du restaurant du Golf, aux Bois. Arrivé aux Franches-Montagnes le 1er avril, l’engin fait figure sur place d’attraction auprès des consommateurs, et nourrit déjà les débats dans quelques bistrots du coin et du Jura bernois.

«C’est du gadget», lâche parmi d’autres Patrick Muster, patron des restaurants du Soleil et de l’Ours, à Moutier. «Dans une région comme la nôtre, avec la culture et la mentalité qu’on a, je doute que les robots du genre aient un avenir. Si tout le monde devait s’y mettre, ce serait un peu tuer la profession.»

Comme dans cinq établissements de Zurich et une brasserie lausannoise, le serveur roulant vient de faire son apparition dans l’Arc jurassien. Gérants du Golf, Fabian et Keunhyung Adam l’ont acquis pour faciliter la tâche de leur personnel. Le robot n’est pas en contact direct avec la clientèle. Chargé tour à tour de plats chauds ou à débarrasser, il assure la transition entre la cuisine et l’espace de consommation.

«Vu que ce sont les serveurs en salle qui récupèrent les plats pour les servir personnellement, il n’y a aucune interaction entre les clients et le robot», insiste Fabian Adam, qui a sciemment désactivé sa voix en le paramétrant. «On trouve en effet que ça n’apporte rien qu’il souhaite par exemple aux gens un bon appétit.»

Eviter du stress

Contrairement aux suppositions, ce n’est pas la pénurie de main-d’œuvre qui a motivé les acquéreurs. Au sein de leur vaste établissement, pourvu de trois types de salles et d’une terrasse, leur objectif premier restait d’offrir un meilleur confort aux employés, en leur évitant surtout des va-et-vient et du stress. «Il s’agit d’une nouvelle organisation qui est très intéressante. Elle permet de rendre l’équipe de service plus performante, d’une part, mais aussi de gagner en efficacité en cuisine», poursuit le patron, qui comptabilise chaque jour, entre 100 et 200 couverts.

«Au lieu d’attendre jusqu’à une minute que l’équipe de service vienne les chercher, ils sont directement envoyés dans la zone de la table où ils ont été commandés.» L’automatisation se développe, interpelle, et alors que l’avenir des valeurs humaines se pose, en 2023, ses défenseurs sont aujourd’hui nombreux à vouloir monter au créneau. Dans un lieu d’échanges par excellence, un robot qui circule se profile encore à ce jour comme un intrus, ou émet du moins un signal d’alarme.

Président de Gastro Jura bernois, Roland Matti l’imagine mal tourner dans son restaurant au camping de Prêles, et quand bien même ses 60 places affichent généralement complet. «Nous avons quand même aussi un rôle un peu social. Le client qui vient chez nous a envie d’être reçu. Il a envie qu’on lui parle, qu’on lui explique et qu’on lui suggère. Un employé doit pouvoir établir une sorte de relation conviviale.» A moins de 3 km du Golf, au Logis de la Licorne, à La Ferrière, patronne et employés se montrent tout aussi sceptiques. Pour Véronique, l’une des sommelières, bénéficier de l’appui d’une machine n’a rien de bien excitant.

«On ne fait qu’économiser quelques pas, tout en devenant tributaires d’une manutention supplémentaire.» Reste qu’aux Bois, on ne peint pas le diable sur la muraille. BellaBot est vue avant tout comme un simple appareil ménager. Une friteuse, un lave-vaisselle, un mixeur… Comme sa vingtaine de collègues, Thérèse Cattin, chargée du service en journée, dit d’ailleurs s’être habituée à ce collaborateur sans chair, ni os. «Il aide beaucoup lorsqu’on sert des grands groupes, et il ménage surtout nos bras, car les assiettes sont lourdes.»

Salomé di Nuccio / Le Journal du Jura

Le robot serveur des Bois suscite enthousiasme et scepticisme

Depuis le 1er avril, le restaurant du Golf aux Bois fonctionne avec l’aide du robot assistant BellaBot. Il s’agit du premier engin du genre dans l’Arc jurassien. Réactions.