Quel statut pour les millions de «réfugiés climatiques»?

On estime aujourd'hui leur nombre à 20 millions. Sur les côtes sud de l'Europe par exemple, des milliers de personnes débarquent parce qu'elles fuient leurs terres en raison de sécheresses ou d'inondations. Et pourtant, le sort de ces «réfugiés climatiques» reste flou. En Suisse, les questions de flux migratoires liées au réchauffement de la planète «ne sont pas encore thématisées» dans les milieux politiques et administratifs, observe Rosmarie Bär, de l'ONG (organisation non gouvernementale) Alliance Sud. Un constat partagé par l'Office fédéral des migrations (ODM) ou par la Direction du développement et de la coopération (DDC). «Le changement climatique n'est pas une cause d'asile», affirme le porte-parole de l'ODM Dominique Boillat pour justifier que le phénomène n'est pas encore pris en compte dans son office. A la DDC, cette problématique sera traitée lors d'un séminaire cet automne, déclare la porte-parole Barbara Fournier.

10 juil. 2007, 12:00

Les ONG portées sur le développement et l'environnement se mobilisent pourtant depuis un certain temps déjà afin d'aiguiser les consciences sur ce sujet. Dans une récente étude, Greenpeace estime à quelque 20 millions le nombre de personnes considérées comme des réfugiés «climatiques» ou «environnementaux».

Et même si les pouvoirs publics prenaient des mesures d'urgence pour freiner le changement climatique, il pourrait y avoir dans trente ans jusqu'à 50 à 60 millions d'êtres humains fuyant leur pays en raison de sécheresses ou d'inondations. «Si l'on continue en revanche comme aujourd'hui, alors il faudra compter jusqu'à 200 millions de réfugiés climatiques», pronostique Alex Hauri de Greenpeace Suisse.

De son côté, Antonio Guterres, chef du Haut-commissariat des Nations pour les réfugiés (HCR), dressait récemment dans un discours la liste de trois causes principales de migrations: la pauvreté, le réchauffement climatique et les conflits. Et pourtant, le HCR ne prend toujours pas en compte les «réfugiés climatiques» comme une catégorie de réfugiés à part entière.

Il est certain, par exemple, que parmi les milliers de réfugiés africains arrivant sur des bateaux de fortune en Europe, il y a des «réfugiés climatiques». Il faut examiner individuellement chaque cas, souligne Jürg Schertenleib, porte-parole de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). Selon lui, il y a une grande marge d'appréciation entre ce qui peut être considéré comme un réfugié climatique ou économique.

«L'actuel vide juridique doit être comblé», prône Rosmarie Bär, d'Alliance Sud. Selon elle, la Suisse aurait à ce titre le meilleur rôle pour prendre le flambeau de cette bataille. Il s'agirait par exemple de lancer le débat pour une convention internationale.

A Berne, la conseillère nationale Barbara Haering (PS /ZH) a pris ce dossier en main. En mars 2006, elle avait demandé dans un postulat que le Conseil fédéral informe régulièrement sur les risques pour la sécurité en Suisse liés à l'environnement. Elle pointait déjà du doigt les problèmes croissants concernant le climat et les mouvements de réfugiés.

Le Conseil fédéral avait à l'époque refusé ce postulat. La socialiste zurichoise avait alors porté son cheval de bataille au niveau international, au sein de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Avec la délégation helvétique, elle y a déposé une initiative, d'ailleurs toujours pendante. Son objectif est d'établir une stratégie de sécurité environnementale. Barbara Haering espère que la réunion ministérielle de l'OCDE en novembre prochain l'entérinera. Il n'est en outre pas impossible qu'elle revienne à la charge cet automne au Palais fédéral.

Mais pour Rosmarie Bär, l'adoption d'une stratégie globale ou même d'une convention en la matière ne serait pas suffisante. Elles devraient être parallèlement accompagnées d'une lutte urgente contre les effets du changement climatique. Une autre paire de manches... / TGR-ats