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Einstein avait donc encore raison

La détection des ondes gravitationnelles par une équipe américaine en Antarctique le 17 mars dernier, confirme la théorie du Big Bang de l'expansion de l'Univers. Mais elle donne également une nouvelle assise à la théorie de la relativité générale établie par Albert Einstein en 1915.

18 avr. 2014, 08:20
La détection des «ondes gravitationnelles primordiales», a été réalisée par une équipe américaine pilotée par John Kovac du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics grâce au radio-télescope du pôle sud BICEP-2, le 17 mars dernier.

La théorie du Big Bang rallie la quasi-unanimité des scientifiques. Pour eux, elle reste le meilleur scénario possible de l’origine de l’Univers! Nombre de leurs observations tendent d’ailleurs à accréditer leurs hypothèses.

L’une de celles-ci, dont Einstein en avait posé les jalons il y a un siècle, a été révélée au monde le 17 mars dernier. La détection des «ondes gravitationnelles primordiales», réalisée par une équipe américaine pilotée par John Kovac du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics grâce au radio-télescope du pôle sud BICEP-2 (photo), pourrait carrément être la plus formidable découverte astronomique de ces derniers temps. Si elle est avérée et validée par ses pairs, bien entendu !

«Jamais une observation n’avait permis de remonter aussi loin au début de l’histoire de l’Univers. Avec elle, on a pratiquement accès à sa naissance. Aux toutes premières fractions de secondes du Big Bang», s’enthousiasme Ruth Durrer, directrice du département de physique théorique de l’Université de Genève. «Ces mesures doivent être confirmées par des études indépendantes», prévient-elle cependant. «Mais l’équipe dirigée par John Kovac a effectué un travail formidable. La plupart des scientifiques prennent cette découverte très au sérieux!»  

Mais pourquoi cette annonce a-t-elle provoqué pareil séisme au sein de la communauté scientifique? Et que sont ces fameuses ondes gravitationnelles, dont nous, Terriens lambda, n’avons même jamais entendu parler, alors qu’elles affectent pourtant notre environnement à tout moment?

L’héritage d’Einstein

C’est grâce à "la pomme" de Newton et ses lois établies à la fin du XVIIe siècle, que nous connaissons la force de gravitation. Celle de l'attraction des corps qui explique pourquoi nous retombons toujours sur la Terre et pourquoi cette dernière tourne autour du Soleil. Cependant, au début du XXe siècle, Albert Einstein a élaboré sa théorie de la relativité générale. Avec elle, il a appréhendé la gravitation sous un regard totalement neuf et original. « Pour lui, la gravité est une déformation de l’espace-temps » détaille Ruth Durrer.

«Si nous, les humains, pouvons concevoir la déformation d’un plan en un espace courbe, il nous est difficile de nous représenter la courbure d’un espace à quatre dimensions», concède malicieusement la physicienne.

On le constate: cette déformation n’est pas obligatoirement statique. Lors de phénomènes extrêmement puissants, comme une collision entre deux trous noirs, des vaguelettes agitent le milieu spatio-temporel.  

Trop petites pour être décelées

En 1915, dans sa théorie de la relativité générale, Einstein a également postulé l’existence des ondes gravitationnelles que l’on peut assimiler à des tremblements de l’espace-temps. «C’est comme une sorte de gelée qui se mettrait à vibrer lorsqu’on la secoue», image pour le «Huffington Post», Marc Lachièze Rey, directeur de recherche au CNRS et chercheur au laboratoire Astroparticule et Cosmologie.

Ces ondes gravitationnelles sont similaires aux ondes électro-magnétiques (la lumière en est une). Elles ondulent dans l’espace et se propagent à la vitesse de la lumière (300'000 km à la seconde). Mais à la différence qu’elles ne se déplacent pas dans le vide. «Ce sont des oscillations du champ gravitationnel.» Le fait que la Terre tourne autour du Soleil provoque par exemple une infime variation de ce champ.

A fortiori, lorsque de très grosses masses comme des étoiles à neutrons se déplacent, elles génèrent des ondes gravitationnelles. Celles-ci se propagent dans l’espace à la vitesse de la lumière. «Leur amplitude de 0, 000 000 000 000 000 000 000 1 mètre (dix puissance moins vingt-deux mètre) pour un trou noir est cependant tellement faible, qu’il est pratiquement impossible de les déceler», note la chercheuse qui prévient: «Mais surtout, on ne les a jamais observées de manière directe jusqu’à présent».

Le Nobel pour une mesure indirecte

C’est grâce à l’observation d’un système binaire de deux étoiles à neutrons (au doux nom de PSR B1913+16) tournant l’une autour de l’autre, que Hulse et Taylor ont pu démontrer pour la première fois de manière indirecte, l’existence de ces ondes gravitationnelles en 1974.

Selon Einstein, ces énormes masses qui se meuvent dans l’espace-temps produisent donc des ondes gravitationnelles. Elles dissipent alors de l’énergie dans le cosmos. Dissipation qui se traduit, selon la sacro-sainte loi de la conservation de l’énergie, par une diminution de la distance entre les deux pulsars. Ce rapprochement est observable par l’accélération de la rotation du système. Telle une patineuse ramenant ses bras le long de son corps.

«C’est en mesurant ce raccourcissement durant près de vingt ans avec le télescope d'Arecibo à Cuba, que Hulse et Taylor ont prouvé l’existence des ondes gravitationnelles. Ils ont reçu le prix Nobel de physique en 1993», admire l’ex-collègue de Joseph Hooton Taylor alors qu’ils travaillaient tous deux au département de physique de l’Université de Princeton aux Etats-Unis.

Mesures directes pour bientôt

Les physiciens ne pouvaient cependant se contenter de cette mesure indirecte. Il leur fallait du plus «lourd» pour confirmer l’hypothèse d’Einstein. «Plusieurs expérimentations ont été mises sur pied pour mesurer directement ces ondes gravitationnelles provenant des objets hyper-compacts de l’univers, tels que les trous noirs ou les étoiles à neutrons», relève la chercheuse genevoise.

VIRGO en Italie, LIGO aux Etats-Unis, ou le GEO des Allemands sont autant d’interféromètres qui pourraient révéler leur présence de manière directe prochainement. «Moi, je prédis cette mesure pour 2016 ou 2017», avance-t-elle.

Enorme expansion, temps infinitésimal

Revenons aux mesures faites par l’équipe de BICEP-2 en Antarctique. La théorie avait prédit la production d'ondes gravitationnelles durant les toutes premières fractions de seconde de l’Univers initial, il y a 13,7 milliards d’années.

Plus précisément dans la phase dite d’inflation, lorsque l’Univers a enflé d’une manière phénoménale dans un laps de temps infinitésimal. En 10 puissance -35 seconde (je vous passe les 34 «zéros» après la virgule qui précèdent le «un»), son diamètre s’est dilaté d’un facteur d’au moins 10 puissance 25 (1 suivi de 25 zéros). «Ces ondes sont des fluctuations quantiques du champ gravitationnel. Ce dernier est appelé la métrique de l’espace-temps», définit Ruth Durrer.

Toujours présentes partout dans le cosmos aujourd’hui, elles ont engendré une légère polarisation du fond diffus cosmologique. Soit la première lumière de l’Univers, émise 380'000 ans après le Big Bang. Les astronomes observent cette marque laissée par les tout premiers instants pour y déceler des anomalies prédites dans la théorie d’Einstein.

Vers le début de l'histoire

Ce fond diffus cosmologique nous renseigne donc non seulement sur l’état de l’Univers à 380'000 ans. Mais également sur ce qui s’est passé auparavant. Et notamment sur ces fameuses ondes gravitationnelles puisqu’elles ont très légèrement polarisé son faisceau (une onde est 100% polarisée, lorsqu’elle n’oscille que dans une unique direction). La polarisation vue par BICEP 2 est de l’ordre de 0,0001% (illustration).

Ce sont ces «vortex», ou tourbillons de l’oscillation, que l’équipe de BICEP a pu observer. En connaissant l’amplitude des ondes gravitationnelles ainsi que leur très grande longueur d’onde (de l’ordre de 1% de la taille de l’univers visible), ils ont pu en déterminer l’énergie qui les a générées. «Celle-ci est mille milliards (10 puissance 12) de fois plus puissante que l’énergie produite avec le nouvel accélérateur LHC au CERN de Genève», calcule la physicienne, subjuguée.

Enorme potentiel

«Ces résultats sont très excitants à plusieurs points de vue», poursuit Ruth Durrer. «Ils sont une nouvelle confirmation de la théorie du Big Bang. On a ainsi pu déterminer l’énergie de l’inflation. C’est la première fois que l’on observe les fluctuations quantiques du champ gravitationnel. Et, enfin, toutes les théories expliquant notre univers et échafaudées sans génération d’ondes gravitationnelles primordiales seront désormais à reprendre à zéro.»  

Voyez la vidéo diffusée par Euronews à propos de cette découverte (2:05 minutes)

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