Un seul trader fait s'envoler près de 5 milliards d'euros

La Société Générale, l'une des trois premières banques françaises, indique avoir perdu 7 milliards d'euros. L'un de ses traders a fait s'envoler près de 5 milliards dans la fraude la plus colossale de l'histoire de la finance mondiale. En pleine tourmente boursière internationale, la banque a été contrainte d'annoncer hier cette fraude interne de 4,9 milliards d'euros (7,8 milliards de francs), auxquels s'ajoutent 2 milliards de dépréciations liées à la crise des subprimes. L'employé à l'origine de la fraude, opérant à Paris et dont l'identité n'a pas été révélée, a été relevé de ses fonctions.

25 janv. 2008, 12:00

Après avoir été suspendue à la demande de la banque, l'action de la Société Générale enregistrait une baisse de presque 5% à la reprise de sa cotation à la Bourse de Paris. Des spéculations étaient relancées sur un éventuel rachat par une concurrente.

Selon la banque, la fraude a été découverte le 19 janvier: un trader, opérant dans une sous-division de ses activités de marché, a profité de «sa connaissance approfondie des procédures de contrôle» pour «dissimuler ses positions grâce à un montage élaboré de transactions fictives».

La Société générale a liquidé depuis ces positions mais compte tenu de leur taille et «des conditions de marché particulièrement défavorables», cette fraude a un impact négatif de 4,9 milliards d'euros sur son résultat net.

Lors d'une conférence de presse convoquée d'urgence, le patron de la Société Générale, Daniel Bouton, a tenté de s'expliquer sur cette fraude gigantesque et a présenté ses «excuses» aux actionnaires. Il a en outre annoncé que lui-même et le directeur général Philippe Citerne «ne percevraient pas de part variable sur l'exercice 2007 et qu'ils renonçaient à leur salaire fixe au moins jusqu'au 30 juin 2008».

«C'est un homme seul qui a construit une entreprise dissimulée à l'intérieur du groupe en utilisant les instruments de la Société Générale et qui a eu l'intelligence d'échapper à toutes les procédures de contrôle», a-t-il déclaré. Il a précisé que le trader avait «agi tout au long de l'année» 2007 et qu'une plainte allait être déposée à son encontre.

Le trader «a joué, mais pas à son profit», a déclaré une source syndicale à l'issue d'une réunion avec la direction. De son côté, l'avocat d'une centaine d'actionnaires de la banque a affirmé avoir déposé une plainte pour «escroquerie, abus de confiance, faux, usage de faux et complicité, et recel». La Banque de France a annoncé dans la foulée qu'une enquête allait être diligentée pour examiner les conditions dans lesquelles cette fraude est intervenue.

Interrogé en marge du Forum de Davos, le premier ministre français François Fillon a parlé d'une fraude «très importante» et d'une «affaire sérieuse». Mais il a souligné qu'elle n'avait «rien à voir» avec la tourmente actuelle des marchés mondiaux et rappelé que la Société Générale affichait malgré tout un bilan positif.

De fait, malgré les 6,9 milliards perdus, la banque a annoncé pour 2007 un bénéfice net estimé entre 600 et 800 millions d'euros. Mais la chute est spectaculaire par rapport au résultat net de 5,221 milliards en 2006. Pour faire face à la situation, la Société Générale a indiqué qu'elle procéderait à une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros.

La banque avait déjà été critiquée par les analystes financiers pour son silence ces derniers jours alors que le titre chutait en pleine crise des subprimes. Il a perdu plus de 20% de sa valeur depuis le début de l'année.

En outre, le groupe et son PDC Daniel Bouton comparaîtront prochainement dans une affaire de blanchiment présumé devant le tribunal correctionnel de Paris, une première judiciaire. / ats-afp