«Nous sommes tous bouleversés, encore sous le choc», expliquait hier matin Antonio Calce, CEO de Corum, qui avait appris la nouvelle la veille au soir. Et qui, en signe de deuil, a décidé de fermer l'entreprise durant deux jours. «C'est un décès qui nous a tous surpris. J'étais encore avec Severin Wunderman la semaine dernière, nous avons mangé ensemble, il m'a tapé sur l'épaule, rien ne laissait présager cette disparition.» Rien à voir, donc, avec le cancer contre lequel il avait gagné une bataille héroïque, même si sa silhouette d'ascète en portait encore les traces.
Severin Wunderman était arrivé dans l'horlogerie presque par hasard: il avait quitté l'école à 14 ans et travaillait comme chauffeur auprès d'un industriel actif dans la branche, dont il finit par racheter l'entreprise. La bosse des affaires, quoi! C'est aussi par hasard qu'il rencontre le patron de Gucci et le convainc de lui confier, sous licence, la fabrication des montres de la griffe de luxe. Sa société Severin Montres, à Longeau, connaît rapidement un succès phénoménal, notamment grâce à la G-Watch. Mais en 1997, le groupe souhaite reprendre la fabrication à l'interne et ne renouvelle pas la licence.
Severin Wunderman se met alors en quête d'une belle marque à relancer sur la scène internationale. C'est Corum qu'il rachète au tournant du siècle. Il repositionne la marque et suscite avec la collection «Bubble» une véritable folie. Avec, toujours, des clins d'?il à la mort, y compris sur le cadran de ses garde-temps, où ricanent Lucifer et Jolly Roger...
Depuis trois ans, il avait laissé la gestion opérationnelle de l'entreprise à Antonio Calce et à son fils Michael. «Ma famille est ma force», disait d'ailleurs ce père de quatre enfants. Qui croyait dur comme fer que «ce que l'on donne dans la vie nous est remboursé un jour» et qui se disait heureux de ne s'être fait, durant sa carrière, aucun ennemi.
Esthète, Severin Wunderman était également un grand passionné d'art, et notamment de Jean Cocteau. En 2005, il avait fait don de plus de 1500 ?uvres au musée Cocteau de Menton.
«C'était un homme fantastique, visionnaire, d'une sensibilité et d'une gentillesse extrême», se souvient encore Antonio Calce. Le directeur de Corum attendra quelques jours avant de donner plus d'informations sur d'éventuels changements dans le capital de l'entreprise. «Mais nous n'allons rien précipiter». / FRK