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Ces jeunes locataires qui «squattent» en toute légalité avec l’accord des propriétaires

Dans la région lausannoise, de nombreux propriétaires prêtent leur bâtiment à des jeunes en formation, plutôt que de les laisser à l’abandon. Une forme de «squat» nouvelle génération où tout le monde est gagnant.

28 avr. 2020, 05:00
Lausanne, jeudi 27 février 2020 Visite dans les bâtiment de l’association lausannoise de l’ALJF Les colocataires des Chavannes 41. Ismaël Boerner, Guillaume Rosset, Colline Cabanis © Céline Simonetto

De l’extérieur, la vieille maison située en contrebas du cimetière du Bois-de-Vaux à Lausanne semblerait presque à l’abandon. A l’intérieur, une décoration joyeusement décalée, le fumet d’un repas récemment réchauffé et les notes endiablées d’un vibraphone à l’étage font instantanément mentir notre première impression. Quatre étudiants logent dans cette bâtisse d’un autre âge, comme en témoignent les poêles à bois installés dans les chambres ou les fenêtres à simple vitrage.

Avant d’y loger nos membres, nous avons mis aux normes le système de chauffage, fait vérifier par un expert la stabilité de la structure et mis en conformité l’alimentation électrique.
Guillaume Rosset, président de l’Association pour le logement des jeunes en formation

«Avant d’y loger nos membres, nous avons mis aux normes le système de chauffage, fait vérifier par un expert la stabilité de la structure et mis en conformité l’alimentation électrique, car les fils étaient insérés dans des gaines en coton et pouvaient provoquer un incendie à tout moment», détaille Guillaume Rosset, président de l’Association pour le logement des jeunes en formation (ALJF). «La sécurité est primordiale pour nous!» Active depuis plus de trente ans, l’ALJF place des jeunes en formation et aux moyens limités dans des logements temporairement vides avant démolition ou rénovation. Une forme de squat en somme, mais avec l’assentiment des propriétaires.

Persévérance récompensée

Il faut dire que la demande est forte pour des logements bon marché, les loyers étant élevés dans la région lausannoise, soit de 600 à plus de 1000 francs pour une chambre d’étudiant. «Comme je n’avais pas droit à une bourse, j’aurais dû prendre un deuxième emploi pour pouvoir me payer une colocation sur le marché libre», résume Angélique, qui bénéficie depuis quatre ans d’une chambre à 100 francs grâce à l’association – le prix est le même pour tous les membres – auxquels il faut ajouter la cotisation annuelle de 20 francs.

Grâce à l’ALJF, de vieilles bâtisses délaissées reprennent vie. © Céline Simonetto

 

Pour accéder à un logement de l’ALJF, l’attente peut aller jusqu’à une année, mais la persévérance est récompensée. «Nous convoquons les gens intéressés la première fois à un entretien individuel; ceux qui nous appellent ensuite chaque semaine grimpent dans le haut de la liste et obtiennent ainsi un logement plus rapidement», explique Guillaume Rosset. Le «parc immobilier» de l’association va de la ferme à l’immeuble de plusieurs étages, en passant par l’auberge ou l’ancienne baraque d’ouvriers. Mais, pas question de choisir son habitation, ni ses colocataires d’ailleurs.

Esprit communautaire

En la matière, Colline, qui achève une formation de danseuse à La Manufacture, Haute école des arts de la scène, se dit ravie de vivre dans la vieille bâtisse proche du cimetière. «Nous sommes tous les quatre dans le milieu artistique. L’ambiance est donc très bonne et nous avons même monté des projets ensemble. L’association organise aussi régulièrement des événements, de quoi rencontrer plein de gens.»

Etudiante en danse, Colline apprécie le charme désuet de ce mode de vie, même s’il faut sacrifier un peu de son confort. © Céline Simonetto

 

L’esprit communautaire, c’est ce qui a également plu à Iris. Mais la jeune femme, qui suit une formation en travail social, admet sans détour que quitter le foyer familial fut d’abord une question de nécessité. «Ma mère était toxicodépendante et je ne me sentais plus très bien chez moi.» Sa toute nouvelle indépendance pourrait s’achever plus tôt que prévu, sachant qu’avec ses deux autres colocataires, elle occupe un immeuble appelé à disparaître vraisemblablement à la fin de l’année en raison des travaux d’extension de la gare de Lausanne. «La personne obligée de quitter son logement reste prioritaire sur la liste», rassure Guillaume Rosset. «Nous les plaçons dans d’autres logements ou chez des amis. Nous n’avons jamais mis personne à la rue!»

Plus de 50 maisons vides

Néanmoins, le jeune président de l’ALJF reconnaît que trouver de nouveaux lieux d’hébergement reste un défi permanent. «On a recensé 50 habitations vides sur l’ensemble du territoire lausannois. Certaines sont vides depuis si longtemps que la nature y a repris ses droits. Mais la plupart des propriétaires refusent d’entrer en matière, malgré le soutien des autorités de plusieurs communes. Pourtant, même pour six mois, la durée d’un semestre d’études, nous sommes preneurs.»

On a recensé 50 habitations vides sur l’ensemble du territoire lausannois. Certaines sont vides depuis si longtemps que la nature y a repris ses droits.
Guillaume Rosset, président de l’Association pour le logement des jeunes en formation

Il faut dire que le règlement de l’ALJF est très clair. Les logements sont cédés selon un contrat de prêt à usage défini par le Code des obligations (CO), ils sont ensuite rendus en bon état et dans les délais. Durant la durée du contrat, le propriétaire ne débourse pas un centime, l’association prenant à sa charge les frais d’assurance, taxes d’épuration et travaux de mise aux normes. «C’est du gagnant-gagnant!», conclut Guillaume Rosset.

 

Cet article peut être lu dans notre magazine «Votre Habitat» de ce printemps 2020.

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