De Gaston Bachelard à Bukowski, en passant, plus proches de nous, par Hugues Richard et Michel Moret, il n’est pas rare que livres et postiers se donnent la main.
Au théâtre du Concert, il a été possible de découvrir la manière dont Léo Vuille et Eric Desport ont adapté le texte de Jean-François Kissling intitulé «Une vie de facteur». Grâce au scénographe Pierre Gattoni, ils ont réussi à proposer une installation de cartons et de ficelles inventive, dynamique et réjouissante, qui rendait à merveille l’intelligence politique, sensible et drôle du propos.
Le même verbe souvent mis à mal par technocratie et règne du tout faire à l’écran
Si l’on saute de l’étymologie latine du «facteur» à celle, grecque, de la «poésie», on retrouve d’ailleurs le même verbe souvent mis à mal par la technocratie et le règne du tout à l’écran: faire.
La poésie et le savoir-faire artisanal sont deux maîtres-mots pour les éditions Héros-Limite (qui ont publié «Une vie de facteur»), fondées par Alain Berset (pas celui devenu une poupée vaudoue ornant les jeux de fléchettes des restaurateurs) en 1994. Figure notamment dans leur catalogue un homme dont je révère la prose sans prétention, mélancolique et attentive: Henri Calet.
Pour boucler la bouclette de ces paragraphes postaux poétiques, j’ai reçu dans ma boîte, avec quelques jolis mots de la main de son autrice, une des dernières publications de la maison: «Tout tient tout», d’Isabel Sbrissa. Elle y dépiaute les mots pour les rendre encore davantage pluriels; interroge l’écriture; regarde son village; tire et étire la langue:
«[…] j’entends comme un hululement un vrai hululement fugace il m’étonne mon pain gonfle à l’intérieur je commence à avoir froid partout une voiture passe ce que j’ai vu et entendu du monde suffira-t-il à faire un poème.»