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Point de vue de Pierre Bühler: «Noël de folie…»

En Grèce, sur l’île de Lesbos, «dans le camp de Moria, conçu pour accueillir 2500 personnes, ce sont actuellement 17 000 hommes, femmes et enfants qui s’entassent», s’insurge Pierre Bühler. Le théologien évoque ce «camp de la folie et lieu de folie pour Dieu fait homme. Une réflexion à l’heure où nous célébrons Noël.

20 déc. 2019, 12:00
Le camp de Moria sur l’île de Lesbos dans lequel 17 000 réfugiés s’entassent.

Que faut-il écrire en 2000 signes sur Noël? Faut-il faire de Noël un répit apaisant, en évoquant sa féerie, ses lumières, ses guirlandes, ses bougies, ses cadeaux, ses grands festins? Ou faut-il confronter son message aux réalités du monde tel qu’il est en cette fin d’année?

La seconde option s’est imposée à moi. Pour m’y préparer, j’ai relu l’évangile de Luc et suis tombé sur la petite phrase «il n’y avait pas de place pour eux». Et je me suis dit: «Ah, tiens, voilà une phrase qu’on n’a pas entendue quand le président turc Erdogan s’est invité peu avant Noël à Genève pour le Forum mondial sur les réfugiés.»

Ah, ce que j’aurais aimé que les instances fédérales disent: «Non, pas de place pour vous!» Mais non, comme si souvent pour d’autres dictateurs, on lui a déroulé le tapis rouge. Et de plus pour un Forum sur les réfugiés, lui qui ne cesse de faire de ceux-ci un simple moyen de pression, une monnaie de marchandage avec l’Europe (et il n’a pas manqué de réclamer ses milliards européens!).

Et l’Europe, et la Suisse avec elle, détourne le regard, fait le mort.

Et j’ai dû penser aux victimes du traité honteux passé entre l’Europe et la Turquie en mars 2016, ce qui m’a disloqué de Genève dans les îles grecques, Lesbos notamment. Là, la petite phrase de Luc reçoit soudain un tout autre sens: «Plus de place», car dans le camp de Moria, conçu pour accueillir 2500 personnes, ce sont actuellement 17 000 hommes, femmes et enfants qui s’entassent, dans des conditions de vie totalement inhumaines.

«Plus de place», et pourtant, chaque jour, il en arrive encore, selon le bon vouloir du dictateur… Et l’Europe, et la Suisse avec elle, détourne le regard, fait le mort, bloquant leurs frontières.

C’est pourquoi, je crois qu’aujourd’hui, Jésus naît à Moria. C’est là que Dieu a choisi de partager «notre humble condition», comme nous le chantons dans nos cantiques de Noël.

Connaissant le grec ancien, je sais que moria veut dire «folie». Camp de la folie, donc. Et lieu de folie pour Dieu fait homme. Pensez-y, un petit moment au moins, à cette folie, dans vos allégresses de Noël.

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