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Point de vue de François Berger: «Solitude et divertissement»

«Les distractions invalident momentanément chagrins et soucis. Mais quelle est la vérité du divertissement?», interroge François Berger, écrivain, éditeur et membre de la Société européenne de culture. Comme d’autres personnalités locales, nous l’invitons à s’exprimer sur des sujets d’actualité.

17 déc. 2020, 14:00
Pour François Berger, "l’usage compulsif de ces pernicieux portables entraînerait la disparition de la parole en phase humaine directe".

A considérer les peines de ses semblables, le philosophe Blaise Pascal nous légua cette pensée: «Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre». Même le roi, «sans divertissement, le voilà malheureux», soulignait l’auteur des «Pensées».

Les distractions invalident momentanément chagrins et soucis. Mais quelle est la vérité du divertissement sinon de nous relier aux autres, au monde. L’isolé, dans sa chambre, regardant un film ou lisant avec bonheur, congédie sa claustration. De même le promeneur solitaire au sein de la nature. Patientera-t-il jusqu’au 21 décembre, et armé d’un télescope, Saturne et Jupiter lui apparaîtront sur une même ligne. L’univers céleste aussi est distraction. Ce phénomène ne s’est plus produit depuis le 16 juillet 1623, à quelques jours de la naissance de Pascal!

Nombre de divertissements actuels menacent notre dignité de gardien de notre propre être

Osons cette hypothèse: notre besoin de divertissement n’aurait-il pas sa lointaine origine dans la Genèse (chapitre III)? Je ne crois guère à l’essence divine de cette fable. Mais les grands textes spirituels interpellent aussi l’athée. La solitude n’existait pas au Jardin d’Eden; elle naîtra après le renvoi d’Adam et Eve. Les conséquences de la Chute auraient-elles disparu du champ de la conscience collective? Notre constant besoin de divertissement, sous toutes ses formes, même les plus meurtrières, semble bien répondre que non.

Dans notre lutte face à l’angoisse d’abandon que notre solitude nous rappelle, nous voici dépendants de produits de distraction massive, tel l’usage compulsif de ces pernicieux portables entraînant la disparition de la parole en phase humaine directe. Nombre de divertissements actuels menacent notre dignité de gardien de notre propre être (Heidegger) devenu la proie de l’anonymat et du futile.

La réponse est souvent du côté des poètes: «Là où il y a danger, là aussi croît ce qui sauve!» chante Hölderlin.

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