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Point de vue de François Berger: «La crise de l’esprit»

«Sommes-nous encore capables d’enchanter un monde, qui, par ses drames constants, ne l’a jamais vraiment été?», s’interroge François Berger, avocat et écrivain. Comme d’autres personnalités locales, nous l’invitons à s’exprimer régulièrement sur des sujets d’actualité.

21 nov. 2018, 14:01
Le poète Paul Valéry a porté un regard lucide sur la Première Guerre mondiale.

Au cours de la Première Guerre mondiale s’éleva une grande voix pour la paix, celle du pape Benoît XV. Elle ne fut pas entendue. Le christianisme semble avoir mieux réussi dans le domaine des arts que dans celui de l’amour. D’autres voix s’élevèrent dont celle de Paul Valéry (1871-1945), poète glorieux et penseur qui sut rêver tout haut sa recherche.

L’auteur du célèbre «Cimetière marin» porta un regard d’une exceptionnelle lucidité sur l’hostilité naturelle des humains entre eux. Aussi livra-t-il, dans «La Crise de l’Esprit» (1919), ce constat: «Nous avons vu l’instruction la plus solide, le travail consciencieux, la discipline et l’application les plus sérieuses, adaptés à d’épouvantables desseins. Il a fallu beaucoup de science pour tuer tant d’hommes (…) mais il a fallu non moins de qualités morales.»

Ses propos demeurent d’actualité. Le président Bush dénonça, au nom de ses principes moraux, un Axe du Mal et fit bombarder l’Irak.

Et Valéry d’ajouter: «Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie.»

Aujourd’hui 62% des personnes interrogées lors d’un sondage croient possible, un jour, une nouvelle guerre en Europe («Le Figaro» du 13 novembre 2018). Qui l’aurait cru?

Notre contemporain se dit peut-être que la civilisation à laquelle il appartient est devenue plus fragile que lui-même. Mais est-ce encore son problème? La subjectivité, qui prit son envol à la Renaissance, est dans toutes les têtes, et la mondialisation nous atteint, ce que Valéry n’avait point perçu. Alors quelle civilisation à l’horizon? Repliée sur elle-même par peur de cette révolution copernicienne née de tant de changements? S’élève la menace de nouveaux conflits meurtriers quand ils ne sévissent pas déjà.

Durement éprouvés par cette crise de l’esprit et ses conséquences, sommes-nous encore capables d’enchanter un monde, qui, par ses drames constants, ne l’a jamais vraiment été?

Infos pratiques

«Paul Valéry, La Crise de l’Esprit et autres textes», introduction de François Berger, éditions Soleil d’encre (déjà en librairie) 

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