«Nous demeurons partout enchaînés à la technique et privés de liberté, que nous l’affirmions avec passion ou que nous la niions», disait Martin Heidegger (1889-1976) lors de sa célèbre conférence de 1953 («La question de la technique»). Penseur controversé vu son appartenance, durant un temps, au parti nazi – ce qui entraînera des sanctions – il est cependant, pour beaucoup, considéré comme le plus grand philosophe du vingtième siècle.
S’il n’y a rien de démoniaque dans la technique moderne, dit-il, demeure le mystère de son essence qui est le danger. Elle se montre dans ce qu’il nomme l’arraisonnement (Gestell). La technique nous arraisonne. Elle prend le contrôle de nos existences. Le règne de l’arraisonnement menace l’homme de devenir sourd à l’appel d’une vérité plus initiale. Or ce dernier modifie constamment la vocation première de la nature. Il construit des barrages pour obtenir de l’énergie, coupe du bois servant à la fabrication du papier, extrait des minerais pour créer nombre d’objets. Il est saisi par la volonté de puissance de produire sans fin.
Car la grande poésie serait le lieu de la manifestation de la vérité originelle
Ainsi est-on fort éloigné de l’homme qui habite en poète sur cette terre, chanté par Hölderlin si cher à Heidegger, car la grande poésie serait le lieu de la manifestation de la vérité originelle.
Aujourd’hui les smartphones ont envahi les sphères publiques et privées. Cette utilisation compulsive montre à quel point nous sommes devenus dépendants de ceux-ci.
Vouloir redonner du sens à nos existences, n’est-ce pas d’abord nous poser librement une question toute simple: avons-nous autant besoin de ces objets, de certaines émissions télévisées aussi stupides que leurs animateurs, de ces séries TV, etc., tous produits de la technique?
Le jour où cette question aura disparu, alors il sera trop tard.