Le débat virulent qu’a suscité en France la venue de Greta Thunberg est révélateur de notre difficulté à mener une discussion sereine sur les enjeux écologiques. Un dérapage d’Onfray a fourni l’occasion de rebondir. Son blog du 23 juillet invectivait «Greta la Science». Onfray pratique un humour ravageur.
Les philosophes ont le droit d’avoir des humeurs; ce n’est pas moi qui vais reprocher à l’auteur de «Décadence» ou du «Traité d’athéologie» de verser dans ce qu’il appelle un «hapax existentiel» (des allusions occasionnelles à son expérience privée). Mais dans le cas de Greta, il l’attaque sur son physique.
Voici la thèse d’Onfray: «Cette jeune fille arbore un visage de cyborg qui ignore l’émotion – ni sourire ni rire, ni étonnement ni stupéfaction, ni peine ni joie. Elle fait songer à ces poupées en silicone qui annoncent la fin de l’humain et l’avènement du posthumain. Elle a le visage, l’âge, le sexe et le corps d’un cyborg du troisième millénaire: son enveloppe est neutre. Elle est hélas ce vers quoi l’Homme va.»
Cette entourloupette philosophique révèle à quel point Onfray est ignorant.
On a pu aussi reprocher à Onfray de taxer Greta d’autiste. Son propos est plus tortueux. «Les journalistes nous font savoir avec moult précaution, presque en s’excusant, qu’elle est autiste – il faut le dire, sans le dire, tout en le disant quand même. Dont acte. Je laisse cette information de côté. L’usage métaphorique de ce mot est interdit par la bien-pensance, mais on découvre également qu’il l’est aussi dans son sens premier. Donc on le dit, mais on n’a rien dit».
Cette entourloupette philosophique révèle à quel point Onfray est ignorant des caractéristiques de l’autisme Asperger. Ayant un petit-fils à peine plus âgé que Greta et relevant d’un diagnostic identique, je tiens à dire ici la force et l’intelligence acérée de ces prétendus cyborgs.
Bref, je pense que Greta a le droit d’adhérer au rapport du GIEC et de partager les inquiétudes de ce dernier. Il faut écouter et discuter ce que représente un tel apport radical, comme a su le faire Jacques Dubochet à Lausanne avec elle; je ne partage pas l’extrémisme de la position de Greta, mais je pense qu’il faut en mesurer la pertinence.