Un dimanche de printemps, à l’intérieur. En ces temps de confinement, nous cherchons ensemble l’évasion sur l’écran, rivés sur une émission anodine du dimanche après-midi. Tout à coup, tu me regardes avec de grands yeux étonnés et tu me dis: «Maman, pourquoi les gens dans la télé, ils ont le droit de se faire des bisous?» Je m’entends répondre, le cœur brisé: «Parce que c’était avant…»
Moi, j’ai grandi dans les années 80.
Je suis de la génération qui s’est construite dans un monde qui faisait miroiter comme valeurs suprêmes les grosses voitures, l’argent facile et le bronzage. La liberté était le moteur de nos rêves. L’insouciance, notre pire défaut et notre chance insoupçonnée.
Ton univers a basculé en quelques semaines, mais dans l’adversité, tu visualises toujours l’opportunité.
Nous sommes les enfants de la facilité. Quand toutes les portes se referment d’un coup, nous ne savons plus où aller. Nous sommes tombés de haut.
Mais toi, tu voles dans le vide. A 8 ans, tu es déjà un super-héros. Le printemps 2020 fait partie de ton enfance.
Tu as intégré ce monde-là. Ce monde où les animateurs télé n’ont pas le droit de se faire des bisous. Ce monde asocial où tu ne peux plus voir tes copains. Ce monde si triste où tu n’as plus le droit de t’approcher de grand-papa. Ce monde dépeuplé où les villes sont désertes. Ce monde aberrant où l’on croise quelques baroudeurs qui portent des masques sur la figure. Ce monde stérilisé où tes mains sont rougies à force d’être lavées.
«Maman, on regarde un film ensemble?» Ton univers a basculé en quelques semaines, mais dans l’adversité, tu visualises toujours l’opportunité. Avec ton flacon de désinfectant dans ta poche et ton loup en peluche sous le bras, tu es prêt à affronter le monde.
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