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Et sans ciel, on ferait quoi?!?

Le bouquiniste Karim Karkeni flânait près du port de Neuchâtel, lorsqu’un pingouin l’interpella.

15 févr. 2021, 17:00
«Des mouettes, des trottinettes et des ragondins passaient non loin; des nuages écrivaient sur le lac que le livre est un bien essentiel; les montagnes opinaient du chef», narre Karim Karkeni.

«Et sans ciel, on ferait quoi?!?» Un pingouin, arrimé à sa balançoire imaginaire, a soudain lancé cette interpellation alors que je flânais près du port. Des mouettes, des trottinettes et des ragondins passaient non loin; des nuages écrivaient sur le lac que le livre est un bien essentiel; les montagnes opinaient du chef.

J’ai décidé de faire le poirier, pensant à la Valérie dont le nom dessine les prémices d’un verger. Le pingouin sortait d’une des pièces composant le recueil «Palavie», que j’ai relu parce que c’est souvent ce que je me dis, comme pas mal de monde, depuis un an: c’est pas la vie, ça, cette inquiétude perlant nos fronts comme une bruine ténébreuse; ces injonctions à craindre peau et salive; cette menace qui plane si l’on se retrouve plus que les doigts d’une main que l’on ne peut pas serrer.

Le pingouin me tirait la langue; comme les pages de Valérie. On y rit jaune et on y grince des gens, de la vue des Alpes à Genève, en passant par le «pays des vieux». Du politiquement incorrect pour donner à penser à 360 degrés.

La santé est un bien que l’on confond avec une valeur, et que les livres, c’est le contraire

«Et sans ciel, on ferait quoi?» J’ai pris un ballon pour jongler avec le gosse que j’ai été; j’en ai servi «un d’rouge» au pote d’infortune posté à mes côtés. On s’est dit «Santé!», ne sachant plus trop comment faire tinter ce mot.

L’ami en question m’a dit que la santé est un bien que l’on confond avec une valeur, et que les livres, c’est le contraire, une valeur que l’on prend pour un bien. Je lui ai récité quelques trouvailles de Valérie.

On était un peu existentiellement et essentiellement éméchés, oui. On était rudement bien, avec de la vie soufflant dans les paragraphes éphémères de notre fantaisie et de notre convivialité contrariées.

C’était une poignée de minutes joyeusement décalées: elles ne manquaient pas d’air.

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