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Orthographe: faut-il supprimer l’accord du participe passé?

Deux professeurs wallons plaident pour une simplification de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir. Un projet qui a ému la Francophonie. Cette règle est-elle vraiment «obsolète et compliquée jusqu’à l’absurde»? Stéphane Devaux, corédacteur en chef d'"ArcInfo", et Jean-Michel Pauchard, journaliste, en débattent.

12 sept. 2018, 10:00
Le débat sur l'accord du participe passé est relancé.

Stéphane Devaux: "Un peu d'audace"

Ainsi donc, la réforme sera francophone ou ne sera pas. Pas question d‘en faire une pure histoire belge, comme l’ont fait savoir ces derniers jours les autorités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui ont bien compris qu’il fallait éviter tout désaccord international sur l’accord du participe passé.

Ah, l’accord du participe passé! Sorte de madeleine de Proust pour tous les ex-écoliers qui ont tant sué à dénicher ce fameux complément d’objet direct. Surtout celui qui n’avait de cesse de se glisser devant, ce qui signifiait qu’il fallait l’accorder. Avec quoi, déjà?
Supprimer l’accord? Pourquoi pas. Encore qu’on avait un certain plaisir à relire ces textes qu’on avait soigneusement orthographiés, ces pages qu’on avait scrupuleusement écrites et que d’autres avaient imprimées avec soin. Mais peut-être que tout cela participe d’une forme de nostalgie du passé et qu’il faut vivre avec le présent qu’on nous a façonné.

Or, tant qu’à bousculer les habitudes que nous nous étions forgées, pourquoi ne pas être beaucoup plus audacieux? Et simplifier d’un seul trait de plume, celle dont on s’est servi dans l’école d’antan, tous les accords avec les participes, quels qu’ils soient? Ainsi ne verra-t-on plus toutes ces fautes qui se sont succédées, parce que leurs auteurs ne se sont pas rendus compte de leurs erreurs! Et ces fichus accents? Fût-il incontournable, le circonflexe fut un casse-tête pour tous ceux qui, Brel le chantait déjà, ânonnaient leur latin juste avant de le perdre. Et il l’est toujours... Symptomatique d’une évolution lente.

Mais c’est comme ça, le français a ainsi crû, parce que certains ont cru malin de rendre ses difficultés aiguës.

Jean-Michel Pauchard: "Compliqué? Et alors?"

Rien que la difficulté de formuler dans les trois lignes de titre ci-dessus la bonne question dit l’apparente complexité de l’exercice. Quand donc accorder un participe passé accouplé au verbe auxiliaire «avoir»? La règle de base est simple: si l’objet du participe passé vient après lui, le participe passé ne s’accorde pas. Ainsi, «Jacques a mangé les pommes». Si l’objet vient avant le participe passé, ce dernier s’accorde: «Les pommes que Jacques a mangées.»

Conserver cette règle ne relève pas d’un esprit «vieux jeu» – évidemment ridicule face à l’«audace» d’une suppression. Il se trouve juste que cette règle est cohérente avec le système d’accords en vigueur dans la langue française. Ecrivons: «Les pommes mangées par Jacques.» Accorder le participe passé relève ici de l’évidence. Je souhaite bien du plaisir aux instituteurs qui devraient enseigner cette évidence et expliquer à leurs élèves qu’il leur faut, en revanche, écrire «les pommes que Jacques a mangé».

Comme toutes les langues, le français fourmille de règles et de subtilités plus ou moins déroutantes qui sont parfois de simples héritages historiques et qu’on ne voit pas dans d’autres langues. Ces subtilités tantôt disparaissent, tantôt évoluent, rien de plus normal. Mais la plupart, quand elles sont en vigueur, ont du sens.

Et j’avoue une méfiance de principe quand on prétend biffer une règle qui a du sens sous prétexte de soulager les nuls en orthographe de leurs maux de tête. Choisir le nivellement par le bas fait rarement grimper le niveau de formation individuel et collectif. Mais le nivellement par le haut exige de la patience et des moyens.

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