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Le Croate Luka Modric mérite-t-il le Ballon d’or?

Le Croate Luka Modric a reçu le Ballon d’or, récompensant le meilleur footballeur de l’année. Finaliste de la Coupe du monde et vainqueur de la Ligue des champions, il devance notamment deux champions du monde français. Est-ce mérité? Stéphane Devaux, corédacteur en chef d’ArcInfo, et Raphaèle Tschoumy, cheffe de la rubrique des sports du quotidien, en débattent.

04 déc. 2018, 18:01
Le Croate Luka Modric a reçu lundi le Ballon d'or, récompensant le meilleur footballeur de l'année.

Raphaèle Tschoumy: «Du souffle à un pays»

On l’appelait alors Lukita. Il avait à peine 6 ans.

Sous les bombes du conflit d’ex-Yougoslavie, Lukita fait du football. Avec passion. Dès l’école terminée, il court au stade de Zadar, une ville au bord de l’Adriatique. Nous sommes à quelques mois de la déclaration d’indépendance de la Croatie.

A cette époque, on est loin de la station touristique d’aujourd’hui qui – selon les offices du tourisme – accueille jusqu’à 150’000 curieux chaque année.

Nous sommes en guerre.

La maison de Lukita est bombardée. Zadar aussi. L’atmosphère en aurait découragé plus d’un. Pas Lukita.

Comme de nombreux autres footballeurs, il fait du football un refuge essentiel à son équilibre. Il court. Il dribble. Il cherche la bonne passe. Il cherche le but. Il vit, pense, mange et dort football.

La Croatie prend son envol en 1991 peu après les débuts footballistiques de Lukita.

Encouragé par un père gradé dans l’armée croate, Lukita devient très vite le Petit Prince de Zadar. Il n’est pas grand ni baraqué. Sa chevelure châtain clair flottera très vite dans les différents stades d’ex-Yougoslavie, puis d’Europe, puis du monde. Ce sera un modèle. Le symbole d’unité, de solidarité et de persévérance d’une nation en construction. Alors oui, Luka Modric a connu des démêlés judiciaires pour des raisons fiscales.

Oui, il a sans doute investi des millions pour continuer de briller dans les stades plutôt que de jouer au baby-foot en prison.

Mais Modric donne aujourd’hui du souffle à un pays qui n’a pas encore trente ans. Il est le tout premier Ballon d’or des Balkans. L’image est belle pour qui devait casser dix ans de tango argentino-portugais.

Stéphane Devaux: «Les défenseurs, ces grands oubliés»

Il y a quelque chose de paradoxal à commenter la remise d’un trophée individuel en football, sport collectif par excellence. Mais la presse sportive, comme le bon peuple, a besoin d’idoles. Alors passons là-dessus et jouons le jeu.

Le hic, c’est qu’à ce jeu-là, tous ne sont pas égaux. Prenez Raphaël Varane, par exemple. Le natif de Lille avait tout pour lui, à commencer par le palmarès. Personne, à part lui, n’a brandi les deux trophées les plus prestigieux de cette année 2018: la Ligue des champions et la Coupe du monde.

Seulement voilà, ce grand garçon bien presque sous tous rapports souffre d’un handicap rédhibitoire: il est défenseur.

Qu’on s’entende bien, je n’ai rien, mais absolument rien contre Luka Modric. Au contraire, on est bien content de constater que pour les fines plumes réunies par «France Football», il existe d’autres têtes à couronner que Sa Majesté Leonaldo.

A 33 ans, le lutin croate a atteint le sommet de son art, au point d’avoir gagné presque tout ce dont un footballeur professionnel peut rêver. Surtout quand ce grand pro a d’abord été un p’tit gars ayant vu les bombes de près.

Luka, c’est un créatif. Un offensif. Il donne le ton, crée le jeu. Plante des buts. Mais pour chaque artiste dans son genre, combien d’hommes de devoir, qui se dévouent, cassent le rythme, ferment les couloirs, font le ménage devant leur goal?

La caste des joueurs défensifs. Des défenseurs purs. Les grands oubliés des palmarès individuels, à quelques exceptions près (Beckenbauer, Cannavaro).

On les disait bourrins. C’était avant Varane. La classe, l’élégance, la discrétion. Le Ballon d’or de l’exemplarité, c’est pour lui.

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