Xavier Challandes: «N’ayez pas peur!»
L’argument principal est la protection des sols. L’équivalent de huit terrains de football disparaît chaque jour en Suisse. Le béton ne nourrit pas. Les zones agricoles sont mangées petit à petit. Si nous voulons continuer à nourrir tout le monde, il faudra davantage de terrain.
Avec les problèmes climatiques et l’agriculture qui devra se passer de produits phytosanitaires pour éviter la mort des sols, le rêve américain avec sa villa individuelle va mourir. Nous passerons à un autre style d’habitations. Elles auront aussi un jardin et un barbecue aussi. Nous aimerions dire à la population: n’ayez pas peur!
Certains prétendent que ce serait un frein à l’économie, au développement et à la croissance. C’est faux. L’initiative ne dit pas que nous arrêterons de croître. Le pays pourra compter jusqu’à 10 millions d’habitants sans problème. Ce n’est pas retourner au Moyen Age.
Nous voyons qu’il y a beaucoup trop de terrains à bâtir. Dans le canton de Neuchâtel, le potentiel de création de logements dans des bâtiments existants est très grand. Dans le Val-de-Ruz, beaucoup de fermes ont été transformées en logement. Il y a encore un potentiel. Quant à la densification, il ne faudra pas le faire n’importe comment. Il s’agit de bien réfléchir. Ça ne veut pas dire non plus que dans les villes ou les villages on doit utiliser le moindre mètre carré de verdure.
Nous voulons la création d’écoquartiers, d’habitat durable, qui favorise aussi la propriété. Il y a un magnifique exemple avec la coopérative du Vieux-Châtel à Neuchâtel. Ça se fond bien dans le paysage et l’accès à la propriété par la Ville est facilité.
Nicolas Jutzet: «Initiative rigide»
Rappelons tout d’abord que la population a approuvé la loi sur l’aménagement du territoire en 2013. Or elle n’est pas encore appliquée dans tous les cantons. Toutefois nous constatons qu’elle a déjà des effets positifs. Contrairement à cette initiative rigide et déconnectée de la réalité, elle prend en compte le développement économique et démographique.
Par exemple, dans le canton de Neuchâtel, le nouveau plan directeur cantonal tient compte de l’augmentation prévue de la population et de l’emploi sur 15 ans. Il présente un développement réfléchi et mesuré. Le travail fait, en concertation avec les communes, démontre bien l’inutilité de cette initiative.
Autre danger, elle laisse deux possibilités quant à son application. Si on gèle les zones à bâtir au niveau fédéral, les cantons qui ont mal travaillé sont récompensés par rapport aux autres qui ont su gérer leur zone à bâtir de façon plus rationnelle. Si on le fait au niveau cantonal, les communes qui ont bien travaillé sont prétéritées. Prenons l’exemple concret de notre canton: le Littoral qui manque déjà quelque peu de zone à bâtir, serait perdant.
Dernier point qui pose problème – et c’est démontré par le non de l’Union suisse des paysans – l’initiative fait une différence entre l’agriculture dépendante du sol et celle indépendante du sol. Or cette distinction est contestée dans la pratique. Hors zone à bâtir, les paysans qui ont seulement des installations de production animale ou végétale indépendantes du sol seraient limités. S’ils doivent s’étendre dans une zone à bâtir, ceci aura un coût élevé. Le tout alors qu’ils sont déjà soumis à une forte pression financière.