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Faut-il taxer les robots?

La robotisation, notamment dans l'industrie, est de plus en plus utilisée pour remplacer l'humain. Faudrait-il alors taxer les robots? Jonathan Gretillat, avocat et député socialiste au Grand Conseil neuchâtelois, et Simon Schnyder, économiste à l'Administration fédérale des contributions, en débattent.

20 mars 2018, 10:00
Dans l'industrie, la robotisation entraîne la disparition de certains emplois.

Jonathan Gretillat: "Intéressant"

Depuis la révolution industrielle, la machine a remplacé les hommes et les femmes dans bien des domaines. Les richesses ainsi créées ont profité à toute la société, notamment grâce à la redistribution permise par l’introduction d’une fiscalisation sur les revenus puis sur les personnes morales. Aujourd’hui, l’évolution technologique en matière de robotique et d’intelligence artificielle atteint des sommets: bientôt, l’humain pourra être remplacé dans la plupart de ses activités, y compris les plus complexes et variées.

La robotisation généralisée va provoquer des changements majeurs de société, surtout pour le marché du travail, avec le risque de disparition d’un nombre potentiellement important d’emplois. Or notre économie, nos collectivités ainsi que nos assurances sociales fonctionnent grâce au fait que les gens travaillent: avec son salaire, on vit, on consomme, on paie nos impôts et nos cotisations sociales. Si le nombre d’emplois diminue massivement à cause de nouveaux robots, cela posera alors de sérieux problèmes pour toute la société. 

Pour éviter ces conséquences fâcheuses, l’idée de créer une taxation des machines est une solution intéressante. On pourrait ainsi imposer la richesse créée grâce aux robots plutôt que les salariés disparus. Pour éviter de décourager l’innovation et empêcher les paradis fiscaux, une telle taxe devrait être appliquée à un échelon supranational. On pourra ainsi s’acheminer à terme vers une taxation prioritaire voire exclusive des revenus du capital, qui est plus juste que l’imposition des revenus du travail qui prévaut aujourd’hui. La robotisation se développera ainsi au service de l’humain et non pas à son détriment. 

Simon Schnyder: "Pas une bonne idée"

Cela pose plusieurs problèmes. D’abord, taxer les robots, c’est imposer le capital productif, ce qui aurait comme effet de freiner l’investissement et donc la croissance. Il faudrait, ensuite, définir précisément l’objet soumis à taxation, ce qui peut entraîner des discriminations sur le plan de l’appareil productif. Les distorsions qu’entraînerait l’impôt reporteraient une partie de son coût économique sur les travailleurs et les consommateurs. 

Les développements précédents sont à replacer dans le cadre de la concurrence fiscale internationale, dont la dynamique pourrait être renforcée par la numérisation de l’économie. Une fiscalité des entreprises attractive est essentielle pour la Suisse, petite économie ouverte sur le monde. La charge fiscale globale effective doit demeurer à un faible niveau, en particulier pour les branches économiques les plus mobiles.

Il est de plus probable que le développement de la robotisation et de la numérisation de l’économie marquera fortement l’organisation des chaînes de valeur mondiales, dans lesquelles la Suisse est fortement intégrée. L’adoption des nouvelles technologies pourrait diminuer l’attrait d’une fragmentation internationale de la production. Une part croissante de la demande de biens intermédiaires et finals pourrait ainsi provenir de la production intérieure. Cela permettrait aux biens manufacturés fabriqués dans les économies développées de recouvrer leur compétitivité, ce qui réduirait les délocalisations.

Enfin, notre fiscalité doit demeurer attrayante, ce qui ne serait pas le cas avec une telle taxation.

(extrait d’un article paru dans «La Vie économique», édition de décembre 2017)

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