Alain Corbellari, professeur, universités de Neuchâtel et de Lausanne: La Saint-Valentin semble avoir été d’abord une coutume populaire. Au 14e siècle, période charnière de la littérature amoureuse, on commence à s’inspirer de cette culture en l’adaptant. Elle prend la forme de grands chants courtois, des poèmes à grande qualité littéraire.
Quel écrivain est à l’origine de ce changement? Traditionnellement, on dit que c’est Geoffrey Chaucer. On a tout de suite pensé que c’était lui parce qu’il est célèbre. Mais les allusions à la Saint-Valentin sont peu nombreuses dans l’œuvre du poète anglais. Il y en a moins que chez Othon de Grandson.
Il se trouve que celui-ci était un ami de Chaucer. Il fait partie d’un groupe de chevaliers instruits, qui se piquent d’écrire des textes. C’est lui qui va être l’auteur du plus grand nombre de ces poèmes.
La Saint-Valentin était-elle une tradition anglaise? C’est une supposition. Mais c’est peut-être aussi plutôt une tradition continentale. Alors, le rôle d’Othon serait très important. Si, en Europe, elle connaît une éclipse, en Angleterre, la Saint-Valentin va rester populaire jusqu’au 20e siècle. Même Shakespeare va l’évoquer. Et les Anglais vont répandre cette tradition dans le reste du monde. Pour notre orgueil national, il n’est pas interdit de penser qu’Othon en est aussi à l’origine.
«Poésies choisies», Othon de Grandson, édition et préface d’Alain Corbellari