«La fabrique de l’ignorance». Le titre du documentaire de nos confrères franco-allemands d’Arte interpelle. Sa longueur, plus d’une heure et demie, laisse supposer qu’on va laisser une partie de notre après-midi dans l’histoire. Malgré le soleil qui règne dehors, l’esprit, curieux, est attiré.
Je découvre l’agnotologie. Née en 1992, cette science s’intéresse à la «production de l’ignorance». Elle est encore si méconnue que l’article dédié à son sujet sur Wikipédia n’est pas beaucoup plus long que cette chronique.
A travers plusieurs «cas d’école» présentés par des agnotologues, le reportage décrit «les mécanismes» utilisés – en grande majorité – par de grandes multinationales afin de semer le doute dans l’esprit du public.
Un exemple? Une recherche accablante prouve un lien de causalité entre la consommation de cigarettes et le cancer des poumons. La solution? Les entreprises de tabac, dont Philip Morris, se mettent à financer des centaines d’autres recherches afin d’«améliorer la santé de leurs clients». Leurs conclusions? Le cancer peut être la conséquence de multiples facteurs. Cependant, pas un mot concernant la cigarette.
Cela permet aux porte-parole d’affirmer sans trembler que la responsabilité de leur entreprise «n’est pas prouvée», puisque «la science n’est pas unanime» sur la question. On détourne le problème de sa vraie solution. Par le surplus de connaissances, on crée ironiquement (et volontairement) de l’ignorance.
Il reste cinq minutes. Moment choisi par la sociologue des sciences Linsey McGoey pour asséner le coup de boutoir: «Il y a 300 ans, les progrès scientifiques se heurtaient à l’Eglise. Mais aujourd’hui, c’est le marché qui prend le rôle de l’Eglise.»
Galilée, lui, hoche de la tête.