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Politiquement correct

Emanuele Saraceno, journaliste à «ArcInfo», s'interroge sur la dictature de la «bien-pensance» et l'émergence de la «cancel culture».

12 avr. 2021, 05:30
AirDutemps-EmanueleSaraceno

«J’étais politiquement correct, pas une pensée suspecte», chantait en 1995, avec son sarcasme habituel, le poète-rockeur Jean-Patrick Capdevielle. Un quart de siècle plus tard, la situation ne s’est pas améliorée, au contraire. Il convient de peser chaque acte, chaque mot, pour éviter de se faire taxer de sexiste, xénophobe ou, au mieux, de gros beauf.

A cet égard, invité chez des amis, j’ai eu droit à une longue leçon sur tous les termes à employer ou à éviter dans les 50 (au moins) nuances LGBT. La «prof»? La fille de 15 ans (!) de mon pote. Si j’étais groggy en fin de soirée, c’était bien plus à cause du «cours» que de l’excellente syrah dégustée pendant le repas...

Passe encore. Là où je suis complètement dépassé, c’est quand les génies des réseaux sociaux mettent en œuvre la «cancel culture». En résumé, tout ce qui est moralement répréhensible doit être effacé. Gainsbourg? Trop vulgaire. «Autant en emporte le vent»? Trop esclavagiste. «Le petit Chaperon rouge»? Trop sanglant. Même la chanson «Cho Ka Ka O» d’Annie Cordy a fait l’objet de polémiques. Si ce titre méritait l’oubli, ce ne serait pas en raison de son caractère prétendument raciste...

Or les tartuffes 2.0, les ayatollahs de la bien-pensance font preuve d’un chronocentrisme absolu. Ils analysent selon les normes et les valeurs actuelles des événements et des attitudes qui proviennent d’une autre époque, d’un autre contexte.

Bon, je me dis qu’on est bien installé dans la deuxième année de pandémie – avec son lot de restrictions diverses et variées – et que le clavier est un défouloir bien pratique. Capdevielle pourrait conclure: «J’ai vu d’un peu trop près toutes les mascarades, faut bien qu’y en ait qui s’évadent.»

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