Je termine en ce moment «L’offrande grecque», le roman posthume de Philip Kerr, dans lequel on retrouve son personnage emblématique, Bernie Gunther, cette fois en 1957, à cheval entre Munich et la Grèce.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas: Gunther est un ancien commissaire de la police judiciaire de Berlin. Antihéros, il traverse les époques, de l’arrivée au pouvoir des nazis à l’après-guerre d’Adenauer, au fil d’enquêtes mêlant personnages de fiction et figures historiques: Göring, Himmler, Heydrich, Nebe, les frères Bormann, pour ne citer qu’eux.
Aux thématiques chères à Kerr font écho celles qui me hantent: dans la grande balance de l’existence, que pèsent les responsabilités individuelle et collective? A combien de mensonges avons-nous droit sans basculer dans la compromission?
Nous sommes tous des menteurs. Peut-être même que dans une journée, nous mentons davantage que nous disons la vérité: à nous-même comme aux autres, sciemment ou par omission. Tous ces mensonges ne prêtent pas à conséquence. Mais des drames de nos pauvres vies aux abjections des dictatures, des lâchetés quotidiennes aux erreurs irréparables, il y a une dimension tragique dans laquelle évolue Bernie Gunther, toujours sur le fil du rasoir. Et nous avec lui.
Gunther est un fantôme à la dérive. Désabusé, il survit grâce à son cynisme et son humour. Noir. Inutile de chercher les bons sentiments dans les romans de Philip Kerr, dont la densité prolonge indéfiniment chaque lecture.