«La frontière est un espace d’épaisseur variable séparant ou joignant deux territoires». Tirée de Wikipedia, cette définition est particulièrement adaptée à la description de l’appareil législatif, matériel et symbolique, qui sépare la Confédération suisse de la République française.
Passer de l’Helvétie à la Gaule demande en effet une dose d’efforts irrégulière. Généralement, l’obstacle à franchir n’est guère épais. Parfois, c’est plutôt kafkaïen. Je m’en rends compte alors qu’un ami, résident français, m’appelle à l’improviste pour partager une fondue. La raison de sa venue impromptue dans sa Romandie natale? Une prouesse d’adresse administrative.
Il m’explique que, victime d’un vol de son permis de conduire à croix blanche, il s’est mis en tête de le remplacer. Mais du côté des Rösti, c’est «nein». Trois tapotements nerveux sur un clavier QWERTZ n’y changeront rien: le document est réservé aux résidents, punkt, schluss.
Côté bleu blanc rouge, ça s’annonçait mieux, au départ: trois photos, un justificatif de domicile, un justificatif de prélèvement des taxes, ainsi que les formulaires CERFA 148 et 149 remplis sur un clavier AZERTY de bonne facture devaient suffire.
C’était sans compter les Maigret de sous-préfecture qui assènent: «Il n’est pas possible d’être résident français avec un permis de conduire suisse». Est-ce une infraction? Faut-il payer une amende pour ne pas s’être acquitté de cette démarche dans les délais? S’inquiète le sans-permis. «Non. C’est juste que ça n’est pas possible. Vous auriez dû échanger votre permis à votre arrivée». A ce stade, aucun des deux Etats n’envisage de délivrer un permis. Le panneau est bleu, blanc, rouge: Le gugus est clairement dans une impasse.
Une évaluation raisonnée de la situation, apparemment inextricable, amène finalement à conclure qu’il n’y a qu’une seule chose à faire: déménager. Soit changer d’Etat de résidence, obtenir un duplicata de son permis de conduire, avaler une fondue, et revenir au bercail avant la fermeture des bureaux. Après tout, quand un système plante, on le réinstalle.