«Quand une guerre éclate, les gens disent: ‘Ça ne durera pas, c’est trop bête.’ Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes: ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer.»
La maladie s’abat sur la ville, insidieusement. L’auteur poursuit: «On ignorait si cette proportion de décès était normale. (…) Les augmentations étaient, du moins, éloquentes. Mais elles n’étaient pas assez fortes pour que nos concitoyens ne gardassent (…) l’impression qu’il s’agissait d’un accident sans doute fâcheux, mais après tout temporaire.»
Pourtant le pire advient, bien sûr. Et finit par disparaître, inexplicablement. «Quoique cette brusque retraite de la maladie fût inespérée, nos concitoyens ne se hâtèrent pas de se réjouir. Les mois qui venaient de passer (…) leur avaient appris la prudence.»
Il est des lectures d’été qui résonnent avec ce que nous traversons, comme «La peste», un livre qui s’est beaucoup vendu ces derniers mois. Albert Camus y va de ses considérations souvent glaçantes. Mais il garde toujours espoir, comme dans ce passage proche de l’épilogue: «Rieux décida alors de rédiger le récit qui s’achève ici (…) pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.» A méditer?