«Le sens de la formule», l’air du temps de Lea Gloor

«Nous savons, vous et moi, que nous n’avons que deux solutions…» Le chauffeur de bus pose un regard impérieux sur un voyageur. La réplique est digne d’un film de série Z.

Assis sur une banquette, le type tente sans succès de cacher son menton nu dans le col de sa veste. «Qu’est-ce que vous voulez dire?» L’employé gonfle un peu plus sa poitrine, son imposante moustache frémissant d’indignation. Avec ses faux airs de Magnum, on le verrait bien troquer son uniforme contre une chemise hawaiienne. «Jeune homme, ou vous descendez vous trouver un masque ou je ne démarre pas!»

L’incriminé tente de baragouiner une réponse. Sur les autres sièges, les pendulaires se dandinent. Les plus pressés consultent l’heure sur leur smartphone. Deux minutes sont déjà passées. Voyant que rien ne fera plier le sosie de Tom Selleck – respect des règles? Sens civique? Craintes personnelles? – le rebelle finit par quitter le véhicule bondé, penaud. Le conducteur émet un grognement de satisfaction avant d’appuyer sur le champignon.

On aurait bien voulu le voir dans le funiculaire de Chaumont l’autre jour, alors que des «riders» alémaniques refusaient de porter un masque malgré les affiches placardées partout dans la langue de Goethe. «Wir wissen, Sie und ich, dass wir nur zwei Lösungen haben…», ça impressionne aussi, non?