Un jour férié s’achève sous une pluie battante. Bras ballants, je rentre les mains vides de mon expédition. Les commerces censés dépanner les voyageurs ont été dévalisés de leurs couches-culottes de petite taille. Tant pis, on tiendra!
Naviguant entre les flaques, mon pas n’est pas pressé. J’ai la tête au sec et les sens en éveil. Dans les rues désertes, une silhouette familière, camarade de grisaille, ne peut pas m’échapper. Abrité par l’auvent d’une boutique, cet ancien collègue est penché sur des vitrines chamarrées. Convoite-t-il quelque marchandise ou se contente-t-il de colorer son décor? Notre échange n’apportera pas de réponse, mais il n’en sera pas moins lumineux.
L’œil complice, l’ami réussit à suspendre tant l’averse persistante que le temps fuyant. Le nouveau-né dont on annonce la venue lui rappelle le sien. «As-tu remarqué son premier regard? Tu verras, tu le retrouveras durant toute sa vie…» Je revis le vertige ressenti en plongeant dans ces gros yeux, qui s’élèvent depuis mon torse. L’instant s’annonce assurément persistant. Ce regard inquiet, je l’ai déjà agrippé quelquefois depuis. Il emballe et l’on ne peut pas se dérober.
Le plus troublant est de se retrouver dans le fond de ces mirettes. Et plus encore, de voir resurgir un dernier regard. Trois générations sont réunies et se donnent la main. La pluie a finalement cessé de tomber et il y a assez de langes en réserve.