J’avais enfin trouvé le temps d’aller me faire faire un soin des mains. Avec pose de vernis – ayant songé à un carmin décent (Baccara Dream) ou un violet foncé (Velvet Night), au final plus élégants dans la perspective des Fêtes, je trouve, que le bleu nuit Deep Ocean. Mais j’hésitais. Comme il y avait encore une cliente qui séchait (on met ses mains dans une sorte de four pour faire durcir le vernis), on m’a invitée à faire un brin de lecture. «Cosmo», «Match», «Voici»?
Comme j’étais dans un bon jour, toute ravie de mettre en valeur ma féminité, je me mets à feuilleter, quasiment fredonnante, le premier magazine qu’on me tend. L’article sur lequel je tombe est intitulé «Ma position préférée» (23 en tout). Avec mode d’emploi et témoignages. Il y a des petits croquis pour illustrer. Pas vulgaire, genre propret. J’ai plutôt regardé les images. Sauf que je me suis mise à lire. Comment dire? C’est devenu «cplq» (compliqué, comme sur Whatsapp)… On se voit illico comparée à ces filles à qui ça réussit teeeeeellement bien, genre orgasme acuto-succès-VBP (very beautiful people). Le subtil surtitre en guise de preuve scientifique: «Elles, ça leur réussit à tous les coups.» On se sent inapte dès la deuxième ligne.
Et puis, ce choc: le cintre bouche entrouverte censé illustrer toute cette félicité portait, comme j’allais le faire dans des minutes très très proches, un vernis à ongles carmin – oui, bien sûr qu’il était assorti à son rouge à lèvres. «Madame Lüscher, c’est votre tour.» Je sursaute : «Ah, oui.» «Vous avez fait votre choix?» «Euh, non. Merci. Je repasserai.»