Charles Baudelaire tricotait les mots avec finesse et douceur. Une phrase à l’endroit, une phrase allant vers. Mais son doigté poétique se reconnaît aussi à travers les liens qu’il tissait entre les sens, comme son collègue de plume Arthur Rimbaud.
«Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, doux comme les hautbois, verts comme les prairies», écrit le dandy dans «Correspondances». Ouïe, odorat, toucher, vue, goût… Tous pour un et un pour tous.
Certains (chanceux?) expérimentent au quotidien cet enchevêtrement des sens qui finissent par se confondre. Cette rare condition porte un nom: la synesthésie, processus inconscient qui active plusieurs sens lorsqu’un seul est stimulé. Là où vous ne percevez qu’une mélodie, un synesthète pourra y voir également des couleurs, des schémas, ou… des goûts.
Les études sur ce phénomène, qui toucherait entre 1 et 4% de la population, sont encore en chantier. Et pour cause, il existerait près de 60 types de synesthésies, dont certaines plutôt inattendues. Sur Twitter, l’année dernière, une internaute a assuré pouvoir «goûter» les prénoms. Son post a été pris d’assaut par des Jeanne et des Kevin qui voulaient savoir s’ils étaient plutôt banana split ou vieux croûtons rassis (sachez que Jésus est un Maltesers, selon elle. Ça explique certaines choses).
Si, entre autres, vous visualisez les jours, mois, années sur un schéma, si les lettres ou les chiffres s’accompagnent de couleurs ou même de «personnalités», ou si vous percevez les sons en termes de goûts, vous faites peut-être partie de la petite famille des synesthètes qui compte notamment Lady Gaga, Pharell Williams, Duke Ellington, Wassily Kandinsky, ou encore Franz Liszt. Oui, que des artistes. Ce serait peut-être le moment de se mettre au piano?