Dans les bourrasques au-dessus du lac, sous de gros nuages imbibés, les grands oiseaux blancs, comme des éclairs sur le ciel anthracite, tombent puis s’élèvent, flottent et ondoient… On les devine qui rêvent l’océan d’où ils viennent, suspendus sur le silence du vent, comme portés par la grâce. Les goélands, à cet instant, ne pensent même plus à manger.
S’élèvent soudain des cris, arcs-en-ciel sonores, de l’autre côté. Un petit oiseau de chasse demande à la méchante ombre au-dessus de lui de le laisser épier en paix. S’ensuit un rodéo sur les rafales pour faire passer l’ombre sous ses ailes et de nouvelles protestations, bientôt emportées par la brise indomptée et de farouches pirouettes.
Au même instant, l’empennage un peu déconfit dans le grabuge des airs, passe le joli ventre blanc d’une petite acrobate à la recherche de son escadrille. Vite! Il faut saisir ce chemin de souffle entre les géants blancs flottants, les cumulus gonflés et les disputes de voisinage. L’hirondelle n’apprécie que moyennement cette aire, elle laissera sa place aux martinets noirs.
Au-dessus des toits rougis, les rayons percent un orage qui ne vient pas. Les oiseaux sont des éléments du ciel, comme les nuages, comme le vent, comme le soleil, comme les gouttes d’eau. Leur ballet enchante le temps qu’il fait et défie, à la criée, le prochain tourbillon de pluie.
Après l’averse, sur ce même terrain de jeu céleste, de sombres rémiges tentent à leur tour d’escrimer l’air. Dans la nuit qui s’approche, les corneilles imitent à la dérobée leurs cousins plus clairs et cherchent peut-être à comprendre l’océan.